Une action désintéressée est-elle possible ?

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L'analyse du professeur


La scène du pauvre, dans Don Juan de Molière, est restée célèbre parce qu’elle manifeste le détournement de la charité chrétienne. Le « grand seigneur méchant homme » propose en effet au pauvre de lui faire l’aumône contre un juron. La charité, action désintéressée par principe, est ici tournée en dérision, ce qui peut être vu comme une façon pour Molière de montrer à quel point l’action désintéressée n’existe jamais véritablement. Peut-on en ce sens défendre l’idée même de désintéressement ? Si une action procède par principe de la volonté de faire une chose plutôt que rien, il semble contradictoire de penser qu’une action ne répond à aucune finalité intéressée, puisque dans son mobile même l’action mobilise des moyens et « s’intéresse » à la réalisation du but qu’elle vise. Toutefois, il apparaît également que la notion même d’intérêt recouvre plus que celle de but : elle désigne en général le fait que l’action poursuivrait un but égoïste ou particulier, qui impliquerait donc réciproquement la dévalorisation d’autres finalités souvent plus défendables ou avouables. La question de la définition de l’intérêt est donc au centre du problème de ce sujet. Nous nous attacherons à montrer tout d’abord que concevoir une action désintéressée est contradictoire avec l’essence même de toute action. Cette condamnation du désintérêt ne fait toutefois pas la part des motivations morales et immorales de l’individu. Il semble en effet possible de dire que si toute action a un but, ce but peut ne pas être centré sur la satisfaction de l’intérêt de celui qui agit, ce qui permet alors dans un second temps de défendre la possibilité du désintéressement. Néanmoins, là encore, nous en viendrons à constater que cette défense du désintérêt est réductrice, dans la mesure où il est toujours nécessaire de supposer consciemment et inconsciemment une motivation sous-jacente autre que désintéressée.

[...]

Plan proposé

Partie 3

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Le propre d’une action est de se distinguer de la passion et de supposer que celui qui l’effectue maîtrise le sens de ce qu’il fait et n’est pas déterminé sans volonté à faire quelque chose .

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À cet égard, il serait absurde de penser qu’une action peut être désintéressée, parce qu’elle procède toujours d’une intention qui assume ses motifs et vise à quelque chose.

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En outre, il semble toujours que l’intérêt en jeu porte celui qui agit à choisir une chose plutôt qu’une autre, ce qui rend d’autant plus improbable qu’il agisse de façon contraire à ce qui a une valeur ou un prix à ses yeux.

Partie 2

a

L’intérêt dont il est ici question est toutefois d’un statut moral ambigu. Il semble en effet que la délibération qui pousse à l’action fait que l’action n’est jamais en elle-même neutre. Pourtant rien n’oblige un individu à être égoïste.

b

La possibilité de l’intérêt égoïste n’est donc pas une possibilité exclusive, dans la mesure où un individu peut très bien vouloir agir sans que la réalisation de son intérêt implique la destruction de l’intérêt de l’autre.

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Enfin, un individu peut même vouloir une chose qui ne répond pas du tout à son intérêt propre, pour le simple motif qu’il est un être raisonnable et conçoit qu’il serait plus profitable à d’autres qu’il ne satisfasse pas son intérêt propre (cas du sacrifice par exemple). La motivation désintéressée n’est donc pas un concept contradictoire en soi, quand bien il apparaît comme fortement improbable dans une majorité d’actions particulières.

Partie 3

a

La conclusion de la partie précédent peut cependant être mise en doute comme partielle. Il est en effet évident qu’une action visiblement altruiste apparaît comme désintéressée parce que l’opinion ne parvient pas à trouver l’intérêt de son auteur à la faire.

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Cela n’empêche pas toutefois qu’il agisse pour des motifs qui l’intéressent à l’exception de tous les autres, ou de la majorité d’entre eux. La perception de l’intérêt est en ce sens subjective ou relative.

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Dès lors, il semble à terme impossible de concevoir une quelconque action désintéressée parce que tant consciemment qu’inconsciemment il est toujours possible de supposer qu’un individu qui choisit de faire une chose plutôt qu’une autre est animé d’une volonté intéressée, quand bien même cette volonté ne se laisse pas élucider par des raisons morales communes avec les autres.