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La situation tragique de Sisyphe est souvent présentée comme le modèle d’un raisonnement sur l’absurdité de l’existence humaine. L’homme vivrait à l’image de cette caricature : reproduisant sans cesse des gestes qui n’ont pas vraiment de sens, sans autre choix que de rester enfermé dans cette répétition incessante de sa vie. Pourtant, d’autres exemples littéraires ont tenté de manifester une révolte contre cette situation de répétition vaine : ceux de l’engagement qui, de Sartre à Malraux par exemple, ont ainsi défendu l’idée que l’homme se doit d’affirmer sa liberté pour sortir de la fatalité qui le détermine. La question « tout a-t-il une raison d’être » trouve ici toute son acuité : elle conduit en effet à poser la question de la justification de ce qui est, en suggérant que certaines choses pourraient ne pas se comprendre, ne pas s’entendre, ne pas satisfaire le besoin de sens qui habite l’homme. Se pose alors le problème de savoir ce qui échappe à la raison, et de comprendre pourquoi ? Faut-il y avoir les limites du rationnel ? La manifestation de la liberté ? Le propre du hasard inexplicable ou fondamentalement contingent ? La possibilité que la rationalité ne puisse exprimer totalement le sens de l’être semble ouvrir au débat de la différence de nature entre le réel et le rationnel. Nous nous attacherons ainsi à montrer tout d’abord que la tentative de donner une raison d’être à tout est un penchant naturel de la conscience. Nous constaterons toutefois que ce penchant naturel fait fi d’une finitude radicale de l’intelligence, souvent tenue en échec dans son projet de réalisation concrète. Cette second position nous conduira alors plus fondamentalement à interroger la possibilité et la viabilité d’une misologie, par laquelle la raison serait incapable de poser la question de l’être.
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