Quiconque n’a pas réfléchi sur le langage n’a pas vraiment commencé à philosopher

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L'analyse du professeur


La question qui est ici posée consiste à interroger le lien entre langage et pensée. S’il apparaît que la philosophie est une méthode de questionnement des choses qui a pour but de découvrir la vérité et d’apprendre la sagesse, il semble nécessaire de dire que la philosophie consiste en une recherche des principes d’explication des choses permettant ainsi à l’homme de comprendre et d’agir sur ces choses. Or, cela revient à définir la philosophie comme une méthode d’élucidation des choses, comme un discours sur les choses. La façon de rationaliser les choses est donc également une façon d’exprimer les choses, c’est-à-dire de les formuler avec des mots et à l’aide du langage. Or, la formulation du sujet a ceci de paradoxal qu’elle semble faire du langage plus qu’un outil de formulation de la pensée. En effet, si l’on s’en tient à la définition présentée plus haut de la philosophie, il semble que le discours est le moyen de traduire la pensée mais que seule la pensée a le privilège de mettre en place les conditions de la vérité. Cette approche peut toutefois sembler fausse, dans la mesure où ce n’est qu’en utilisant les mots que la pensée va parvenir à s’établir. Autrement dit, ce n’est qu’en exprimant ce qui est vu et ressenti que l’homme va pouvoir sortir d’une existence immédiate et universaliser son appréhension du monde. Le langage semble donc être plus qu’une traduction de la pensée, mais il est bel et bien le lieu d’une réflexion qui a pour but d’établir la connaissance sur des principes de vérité. En outre, le langage est également le moyen de formuler la connaissance et de l’enseigner. En ce sens, philosopher, c’est réfléchir au langage, c’est-à-dire non seulement à la façon de traduire rationnellement les choses, mais surtout à la façon de faire comprendre la connaissance et d’apprendre à se conduire devant le cours des choses. Le langage est donc le moyen de la conviction et du savoir-faire.

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Plan proposé

Partie 1

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Il paraît d’abord possible de penser que le langage est essentiel à la philosophie en tant qu’il est un outil de la pensée qui cherche à comprendre les choses. En ce sens, le langage permet de traduire la pensée, c’est-à-dire d’identifier, de nommer les choses.

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Plus encore, le langage permet de mettre les choses en relation dans l’espace et d’en comprendre les rapports dans le temps : le langage est condition d’intelligibilité du monde.

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Toutefois, le langage ainsi défini reste un auxiliaire qui n’est pas proprement philosophique, sauf à qualifier de philosophique toute méthode de recherche de la vérité. Or, la philosophie est une recherche qui a ceci de particulier, par rapport aux autres sciences, qu’elle interroge plus fondamentalement les conditions de possibilité de l’existence des choses sans les tenir pour évidentes.

Partie 2

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À cet égard, il est intéressant de remarquer que le langage échappe à la pensée et il serait faux d’en faire le simple outil d’une appréhension philosophique du monde. Ce qu’il y a justement de philosophique dans le langage est sa façon de se dérober à un sens unique et définitif. Les mots véhiculent plusieurs significations qui dépendent de la façon dont nous les avons appris et des images mentales que nous leur attribuons.

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En outre, au-delà des différences de dénotations, les mots ont des connotations qui dépendent du contexte de la parole et de la façon d’utiliser le langage.

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Dès lors, il semble que le langage est philosophique par essence car il interroge la pensée en permettant de multiplier les interprétations du monde et de construire une vérité qui n’est jamais définitive et dogmatique.

Partie 3

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Enfin, au-delà de cette fonction de vérité, il apparaît clairement que la réflexion sur le sens participe essentiellement de la façon dont le philosophe pense son action et recherche la sagesse. En effet, le langage, en découvrant la richesse des interprétations possibles du monde, invite à la prudence dans l’action.

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Or, une telle prudence est le critère même d’une action sage, dans la mesure où l’action prudente est une action qui s’efforce de juger de la meilleure façon possible et de parvenir à être la plus juste.

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Dès lors, la réflexion sur le langage est le propre de la philosophie puisque c’est seulement à l’aide des mots que peut se chercher un critère stable du bien et du mal, et c’est en cultivant ce souci que le philosophe pourra définir une éthique du comportement humain.