Qu'est ce qu'un travail social juste ?

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L'analyse du professeur


Dans Candide, le nègre du Surinam est souvent un exemple cité pour illustrer l'injustice de la société d'Ancien Régime, dans laquelle l'inégalité des races s'ajoutent aux inégalités de naissance, et profite aux bien dotés. En citant un tel exemple, nous avons implicitement la conviction qu'une telle époque est révolue, et que nous avons désormais atteint un degré de développement qui nous met à l'abri de tels injustices sociales. Avons-nous pour autant atteint une situation sociale juste ? Chacun est-il rétribué en fonction de son mérite, ses besoins, ses qualités ? La définition d'un travail social juste pose problème. Les critères possibles sont en effet multiples. S'agit-il de définir la justice comme une situ ation dans laquelle chacun serait à l'abri du besoin ? Doit-on au contraire considérer qu'une situation n'est juste qu'à la condition de récompenser un effort de chacun ? Qui définit la justice du travail ? Comment appréhender la construction de l'équilibre général dans le travail ? S'il semble de prime abord qu'un travail social juste dépend d'abord d'une répartition équitable des tâches entre les membres d'une société, il apparaît en fait que les différences de compétences et de natures entre les individus biaisent une telle répartition au point qu'il est nécessaire de prendre en compte de telles différences dans la répartition. Enfin, quand bien même la justice du travail prendrait en compte les différences individuelles, il reste que le fonctionnement libre du marché du travail contrarie sans cesse l'équilibre de la justice.

[...]

Plan proposé

Partie 1 : Une justice collective

a - Pour le bien de tous.

Un travail social est un travail qui est fait pour la société. Il a donc en vue l'intérêt général, et ne peut être juste qu'à la condition de servir le commun.

Une répartition équitable.

En outre, un travail social ne peut rompre la cohésion sociale. Il faut donc que tous soient également sollicités par ce travail, c'est à dire que chacun y participe et en profite de façon égale.

Une émulation collective

Enfin, un travail social ne peut être moralement satisfaisant qu'à la condition de susciter une conscience collective de l'intérêt général, et de développer une émulation sociale, seules à même de contenter l'ensemble des membres de la société.

Partie 2 : Les limites individuelles de la justice collective.

a - Les différences de natures.

Les différences naturelles font toutefois qu'il est injuste de requérir le même travail de deux individus aux potentiels différents. Il semble donc que le critère de la répartition égale n'est pas juste, et qu'il faut lui préférer celui de la répartition équitable.

b - Les différences de préférences.

Par ailleurs, indépendamment des potentiels individuels, les préférences des individus ne sont pas les mêmes. Est-il alors juste d'exiger un travail social identique à des individus qui y sont inégalement enclins?

c - Les différences de compétences.

Il parait également problématique de demander à tous un même travail, alors que les rôles et les compétences ne sont pas les mêmes. Un travail social ne peut donc être juste qu'à la condition paradoxale d'être individuel, particulier, inégal et incomparable à celui des autres.

Partie 3 : L'aléa social de toute répartition du travail.

a - L'instabilité du marché.

Au-delà de l'individualisation du travail, il semble également que la justice d'un travail ne serait possible qu'à la condition d'en maitriser les conditions d'exécution, ce qu'interdit l'instabilité propre à tout marché ou contexte d'économie de marché.

La dépendance à l'égard des autres.

Par ailleurs, un travail social ne peut satisfaire des critères de justice qu'à la condition de pouvoir de dérouler dans des circonstances équitables, ce qui implique une très forte dépendance, dans le cas d'une coopération sociale. Cette dépendance est fragilisée par la multiplicité des acteurs, et devient donc une source importante d'injustice.

Les résultats incertains.

Enfin, un travail social devrait pouvoir se mesurer à ses effets sur l'intérêt général. Toutefois, les résultats sont incertains puisque dépendants en partie du hasard. Il parait donc impossible de déterminer en pratique un travail social juste.