L'analyse du professeur
L’opposition caractéristique de ce sujet est celle qui se fait entre liberté et sentiment de liberté. Il s’agit d’abord de s’apercevoir que ce qui sépare les deux sens de la liberté est que l’un est subjectif (puisqu’il s’agit d’un sentiment ressenti par une seule personne ou en tout cas exprimé de façon spontanée, intuitive, immédiate et non prouvée logiquement ou discursivement) alors que l’autre se veut un constat objectif (la liberté comme état donné et non susceptible d’erreur). En ce sens, il convient de chercher à savoir ce que signifie le sentiment de liberté et si la liberté se traduit autrement que par un sentiment ressenti, que par une intuition. L’enjeu de la réflexion consistera donc à chercher ce qu’est la liberté en partant du fait que le sentiment de liberté paraît en lui-même irréductible et semble correspondre à un état de fait auquel on ne peut renoncer. Le problème posé par ce sujet repose ainsi sur un paradoxe. Il semble absurde de prétendre qu’un homme pourrait renoncer à sa liberté puisqu’elle paraît constitutive de son être, et qu’elle le différencie des animaux, qui sont pour leur part soumis aux lois de la nature et à des nécessités qui s’imposent à eux. Le pouvoir de renoncer à sa liberté correspondrait donc au vouloir devenir esclave, et au fait de renoncer à réfléchir aux choix de son existence. En revanche, il semble non moins évident qu’aucune existence sociale ne peut advenir sans que des lois limitent la liberté de tout homme. Dès lors, l’homme doit nécessairement renoncer à sa liberté, et se penser comme conditionné par des lois supérieures. Jusqu’à quel point peut-il le faire de façon sincère, si l’on prend en compte le fait qu’il ne semble pas pouvoir rationnellement le vouloir ?
[...]
Plan proposé
Partie 1
a
Nous pouvons partir du sentiment de liberté pour constater que l’homme se sent libre lorsqu’il ne conçoit pas d’entraves à son action.
b
On part donc de l’idée qu’on ne peut renoncer à la liberté car elle est profondément inscrite en nous dans la perception que nous avons de notre agir.
c
En outre, si l’homme se définit bien comme un être qui possède une conscience, il paraît radicalement impossible qu’il renonce à la forme même de sa conscience pour refuser la liberté inhérente à cette conscience qu’il a de lui-même et de la puissance de ses choix.
Partie 2
a
L’analyse précédente pose toutefois problème. Dans quelle mesure en effet le sentiment de liberté n’est-il pas susceptible d’être faussé ? Chaque individu paraît en effet conditionné par des facteurs matériels, des conditions historiques, qui déterminent ses choix parce qu’il ne pas faire comme s’il vivait seul.
b
Plus profondément, il est également déterminé psychologiquement, consciemment ou inconsciemment, par ses valeurs, sa culture, son éducation et l’ensemble de ses expériences passées.
c
Dès lors, s’il y a toujours une cause qui, en expliquant mon choix, me dépossède de ma liberté objective tout en me laissant un sentiment d’être libre, nous peinons à définir un sens objectif de la liberté individuelle. On peut donc renoncer à la liberté parce qu’on prend conscience que le sentiment de liberté ne se réalise pas effectivement.
Partie 3
a
Néanmoins, il reste que nous nous battons continuellement contre ces déterminations qui paraissent ruiner fondamentalement notre liberté. Notre sentiment intime lutte contre le déterminisme.
b
Dès lors, peut-être est-il possible de dire que nous devenons libres car nous parvenons à comprendre les raisons de notre détermination. La liberté objective est alors tout le contraire d’un sentiment de liberté et revient non pas à l’absence d’obstacle mais à la connaissance de la détermination.
c
Nous ne pouvons donc renoncer à notre liberté parce qu’elle est constitutive de notre identité et de la nature humaine, quand bien même ma liberté est toujours difficile, jamais entière et radicalement fragile.