L'analyse du professeur
La morale peut se définir comme un ensemble de valeurs ayant pour but de dire ce qui est bien et de permettre d’agir en conséquence. La particularité de la morale est, semble-t-il, d’articuler un discours du vrai et du bien, dans la mesure où les valeurs qu’elle définit sont considérées comme des valeurs vraies permettant de définir objectivement le bien et de prescrire avec certitude l’action bonne. Autrement dit, la morale a ceci de particulier qu’elle se pose comme une forme de raisonnement portant sur ce qu’il est bon de faire, raisonnement fondé sur un critère transcendant du bien, c’est-à-dire sur un critère qui ne dépend pas de la volonté de l’homme mais qu’il reçoit comme une vérité par le biais d’une enquête rationnelle, d’une éducation, ou d’une révélation. La morale est donc un ensemble de valeurs hiérarchisées à partir de valeurs suprêmes considérées comme bonnes en elles-mêmes et la vocation de la morale est de définir une conception absolue du bien.
Le problème soulevé par ce sujet est celui de savoir dans quelle mesure la connaissance des valeurs morales peut être problématique. En effet, la validité de la morale dépend d’une telle connaissance. Sur quoi se fonde-t-elle ? Est-elle susceptible d’une démonstration parfaitement rationnelle ? Repose-t-elle nécessairement sur des postulats ? Il apparaît donc que ce sujet confronte à un paradoxe. En effet, d’une part, la morale doit se faire connaître si nous voulons que l’homme en respecte les prescriptions. Mais en requérant une connaissance, elle suscite une analyse rationnelle, une forme d’esprit critique, face à laquelle il n’est pas certain qu’elle puisse vraiment résister puisque, d’autre part, la morale semble ultimement reposer sur des axiomes dont il n’est pas possible de rendre raison.
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Plan proposé
Partie 1
a
Il est d’abord possible de croire que la morale s’exprime et se connaît du simple fait qu’elle accompagne la conscience de notre action et nous guide lors de cette action. En ce sens, la morale est d’abord concevable comme un critère individuel du bien et du mal que chacun forge au cours de son action. En effet, la morale est une réflexion individuelle sur le bon comportement, c’est-à-dire un ensemble de règles comportementales que se forge l’individu lorsqu’il agit et analyse son action.
b
Dès lors, la morale se construit par généralisation de l’expérience individuelle. L’individu appelle morales des règles d’action qu’il définit en remarquant que ces règles sont bonnes pour lui quel que soit le contexte de son action.
c
Plus profondément même, la morale est non seulement la généralisation de règles comportementales considérées comme bonnes, mais elle se définit pleinement quand l’individu parvient à tirer de ces règles des principes qu’il voit comme absolus et qui permettront de déduire systématiquement, pour tout homme, une bonne façon d’agir.
Partie 3
a
Cependant, il semble qu’il n’est pas si facile de connaître la morale par généralisation d’une expérience individuelle. En effet, tout individu est confronté à des contradictions dans ses actions et il n’est pas certain qu’il puisse aussi facilement définir des règles absolues lui permettant immanquablement d’agir bien.
b
En outre, les règles individuelles diffèrent selon les personnes puisqu’elles dépendent de l’expérience de chacun et de sa façon de concevoir son intérêt.
c
Enfin, on peut se demander si l’exigence d’une connaissance rationnelle de la morale n’est pas illusoire dans le sens où on voit mal comment l’individu peut atteindre un critère moral absolu, attendu que toute connaissance humaine apparaît comme faillible.
Partie 3
a
Dès lors, s’il y a une connaissance possible de la morale, il semble nécessaire de concéder le fait que cette connaissance ne peut être parfaitement rationnelle. En effet, même si l’on constate que la morale revient à connaître et appliquer un critère du bien et du mal dans son action,
b
il faut insister sur le fait que les raisons dernières de ce critère restent muettes puisque ce critère apparaît comme absolu et inconditionné à une raison qui, en cela, le suit plus par croyance que par connaissance, par impossibilité de prouver le contraire que par la possibilité de le prouver absolument.
c
Ainsi, la connaissance morale semble nécessairement dépendre d’une conviction négative, ce qui n’interdit pas toutefois de penser que la morale se prouve, se connaît de mieux en mieux et se perfectionne dans l’expérience pratique qu’en fait l’individu.