Plan proposé
Partie 1
a
L'homme est homme par son pouvoir d'affronter ses besoins et parfois de les sacrifier.
R suppose ici que l’humanité se distingue de l’animalité par sa capacité à gérer intelligemment son rapport à son corps, c’est-à-dire à faire des choix conscients pour ne pas être purement et simplement soumis aux exigences les plus immédiates des stimulus extérieurs.
b
Or cela doit être constitutionnellement possible, c'est à dire inscrit dans la nature même du besoin.
R montre que la façon dont l’homme peut gérer intelligemment ses besoins dépend de la nature du besoin, c’est-à-dire de la façon dont l’homme est capable de l’appréhender et de le rationaliser. Cela suppose donc que la particularité de l’homme dépend de sa capacité d’analyse, c’est-à-dire de sa capacité de mettre à distance ce qui se présente à lui, de façon à en disposer et à savoir comment agir.
c
Si je ne suis pas maître du besoin comme manque, je peux le repousser comme raison d'agir.
Cette proposition est très surprenante, puisqu’elle engage à penser que l’homme peut d’autant mieux gérer son manque que ce manque fait l’expérience de l’incompréhension qui le fonde. Autrement dit, loin de conditionner le pouvoir d’action de l’homme à l’intelligence claire et distincte qu’il a des conditions de satisfaction de son besoin (l’homme serait d’autant plus maître de soi qu’il maîtriserait d’autant mieux son besoin), R conclut au contraire que l’homme est d’autant plus libre d’agir qu’il saisit qu’il ne peut maîtriser la satisfaction de son besoin. C’est donc dans la capacité de refus que se fonde la liberté : l’homme est d’autant plus maître de soi qu’il peut refuser de se laisser dominer par un besoin qu’il sait par ailleurs difficile à satisfaire.
Partie 2
a
C'est dans cette épreuve extrême que l'homme montre son humanité.
L’humanité de l’homme correspondrait ainsi à son pouvoir de non aliénation, non soumission à un besoin. En d’autrs termes, le propre de l’homme serait de pouvoir gérer le manque et de ne pas se laisser dominer par l’exigence du besoin et la dictature du manque.
b
Déjà la vie la plus banale esquisse ce sacrifice : ce que l'on a appelé la " socialisation des besoins " suppose que le besoin se prête à l'action corrective exercée sur lui par les exigences d'une vie proprement humaine (coutumes, règles de politesse, programme de vie...).
L’expression de socialisation des besoins est vraisemblablement une expression de Marx, qui n’a pas tant pour but de reconduire la dénonciation marxiste de la façon dont la société organise la satisfaction du besoin (division et répartition économique capitaliste du travail dans les sociétés bourgeoises), que de montrer, chez R, que les modalités d’exploitation économique ont généralement été déterminées en fonction de ce pouvoir de refus de la dictature du besoin. Ainsi, les modalités d’organisation économique d’une société traduisent-elles la capacité des hommes à corriger et détourner les exigences immédiates de besoin impossible à satisfaire.
c
Mais c'est l'expérience du sacrifice qui est la plus révélatrice; les récits d'expéditions au pays de la soif ou de la faim, les témoignages de combattants sont la longue épopée de la victoire sur le besoin.
De façon analogue, le cas extrême des situations de confrontation au besoin immédiat (dans le cas des expéditions par exemple) révèle la logique de réaction de l’homme, qui est ainsi obligé de s’installer dans le refus de la dictature du besoin pour se faire homme et survivre à l’hostilité du monde qui l’entoure.
Partie 3
L'homme peut choisir entre sa faim et autre chose. La non-satisfaction des besoins peut non seulement être acceptée mais systématiquement choisie : tel qui eut sans cesse le choix entre une dénonciation et un morceau de pain préféra l'honneur à la vie; et Gandhi choisit de ne pas manger pour fléchir son adversaire.
Ce que révèle alors ce refus de la soumission à un besoin est donc la liberté de l’homme, c’est-à-dire sa capacité à affirmer une indépendance et des valeurs contre l’ordre naturel des besoins.
b
La grève de la faim est sans doute l'expérience rare qui révèle la nature vraiment humaine de nos besoins comme, en un certain sens, la chasteté (monacale ou autre) constitue la sexualité en sexualité humaine.
Les exemples de grève de la faim ou de chasteté ont ici pour fonction d’éclairer la liberté humaine face aux besoins, et de montrer que cette liberté vient du refus d’une aliénation au besoin, refus souvent coûteux, mais à l’occasion duquel l’homme peut ainsi devenir homme et affirmer des valeurs et le sens de son existence.
c
Ces situations extrêmes sont fondamentales pour une psychologie de l'involontaire. Le besoin peut donc être un motif parmi d'autres.
R replace son analyse de la liberté face aux besoins dans une analyse de la psychologie de l’involontaire, c’est-à-dire de la structuration mentale proprement humaine devant l’extrême, qui permet ainsi de comprendre comme l’homme peut affirmer sa volonté par-delà ce qui la détermine. En d’autres termes, l’homme est toujours placé dans des situations involontaires (qu’il ne choisit pas) desquelles il peut se libérer en affirmant sa volonté propre.