Plan proposé
Partie 1
a
Il ne faut pas s’en laisser conter : les grands esprits sont des sceptiques.
L’assimilation de la grandeur au scepticisme a quelque chose de paradoxal, dans la mesure où celui qui est sceptique est celui qui doute et remet en cause la vérité. Dès lors, N suppose ici que la grandeur de l’esprit dépend de sa capacité à critiquer ce qui a été tenu jusqu’à présent pour vrai, ce qui corrobore d’ailleurs l’affirmation selon laquelle l’esprit ne doit pas s’en laisser conter, signifiant que l’esprit a une tendance à se laisser bercer par de belles histoires morales, qui ont tendance à le rassurer, mais qui n’ont en fait aucune réalité.
b
Zarathoustra est un sceptique. La force, la liberté qui vient de la force et du trop plein de forces de l’esprit, se prouve par le scepticisme.
La référence à Z sert ici à N pour désigner une force œcuménique, c’est-à-dire une force de rassemblement des différentes croyances religieuses, qui transcendent leurs différences et leurs contradictions. Il s’agit donc de montrer que le principe religieux doit se nier lui-même, pour n’être qu’une expression de la force vitale inhérente à la volonté de puissance.
c
Les hommes d’une conviction ne comptent pas, dès lors qu’est en jeu tout ce qui touche aux principes de valeur et de non-valeur. Les convictions sont des prisons.
Les hommes d’une seule conviction sont les adeptes du monothéisme, qui n’ont pas conscience de ce qui fonde la valeur. Les convictions morales de ceux qui sont enfermés dans une seule croyance sont donc des convictions qui ne sont fondées que sur des croyances, et qui enferment ceux qui les pratiquent.
Partie 2
a
Cela ne voit pas assez loin, cela ne voit pas de haut ; mais pour avoir son mot à dire sur la valeur et la non valeur, il faut voir cinq cents convictions au dessous de soi, derrière soi… Un esprit qui veut quelque chose de grand, et qui en veut aussi les moyens est nécessairement un sceptique.
La capacité à transcender les croyances qui emprisonnent ne dépend en ce sens que de la capacité à nier les croyances particulières, afin d’affirmer son questionnement vital. La logique morale est ainsi une logique d’affirmation du sujet, qui confronté aux limites de sa connaissance, ne peut qu’en venir à douter, et à affirmer par l’attitude sceptique la force de sa volonté.
b
Pour être fort, il faut être libre de toute conviction, savoir regarder librement… La grande passion, assise et puissance de son être, encore plus éclairée, plus despotique qu’il n’est lui-même, requiert tout son intellect ; elle lui ôte tout scrupule : elle lui donne même le courage de moyens peu édifiants : le cas échant, elle lui permet des convictions.
La transcendance morale est donc l’expression d’une volonté parfaitement libre, qui est de l’ordre intellectuel, c’est-à-dire qui assigne l’individu à un regard libre, par lequel il s’affirme. N montre ici que la morale n’est pas l’assignation à un devoir extérieur au sujet, qui s’imposerait à sa volonté. Au contraire, la véritable attitude morale est celle qui se fonde sur le fait que la morale n’est qu’un moyen au service des fins de l’homme, c’est-à-dire de la volonté de celui qui s’affirme dans l’existence.
c
La conviction est un moyen : il est bien des choses que l’on n’atteint qu’au moyen d’une conviction. La grande passion use et mesure des convictions, elle ne s’y soumet pas – elle se sait souveraine.
L’usage de la conviction, qui devient une arme de défense de la personne, contraste en ce sens profondément avec l’usage classiquement moral de la conviction, qui engage à comprendre cette conviction comme l’accès à la conscience d’un devoir. Tout au contraire, l’attitude de celui qui se libère de la prison morale est une attitude d’affirmation de la force impossible à soumettre. Comme force passionnelle, par laquelle l’homme affirme sa volonté débridée, la force vitale devient échelle de valeurs, qui exerce de façon souveraine son pouvoir de décision.
Partie 3
a
– Inversement, le besoin de foi, le besoin d’un oui et d’un non absolus, quels qu’ils soient, le « Carlylisme », si l’on veut bien me passer l’expression, est un besoin propre à la faiblesse.
La conviction religieuse traditionnelle est l’aveu d’une faiblesse, puisque celui qui ne parvient pas à affirmer sa volonté se soumet à celui qui lui propose un discours de la foi, dogmatique et déterminant. L’absolu de la religion est le dogme derrière lequel se réfugie celui qui n’ose pas affirmer sa volonté : faute de pouvoir juger, il laisse le principe dogmatique juger à sa place.
b
Le croyant, le « crédule » de toute espèce, est nécessairement un homme dépendant, un homme incapable de se prendre lui-même pour fin, et qui, de lui-même ne peut se donner de fins. Le « croyant » ne s’appartient pas, il ne peut qu’être un moyen, il faut qu’il soit utilisé, il a besoin de quelqu’un qui l’utilise.
Condamnant la crédulité, N montre que l’indépendance véritable est un risque que prend le sujet qui s’affirme : de la sorte, celui qui prend peur devant le danger ultime de l’affirmation de soi ne peut que, réciproquement, se penser comme produit par la nécessité, comme l’outil d’un destin qui lui échappe par principe.
c
Son instinct honore plus que tout une morale de renoncement à soi : tout l’y conduit, sa prudence, son expérience, sa vanité. Toute espèce de foi est déjà une forme d’abdication, d’auto aliénation.
La morale du renoncement devient ainsi un ethos moral de l’abdication, puisque celui qui se trouve aliéné à la force d’une conviction ne peut plus librement disposer de soi. Il est l’objet d’une doctrine morale le transformant en être passif, dont la volonté n’est plus l’expression d’une personnalité, mais d’une extériorité morale.