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Le qualificatif d’ « impressionniste », attribué par un critique aux auteurs des tableaux exposés lors du Salon des refusés, est souvent compris comme le symbole d’une rupture entre la critique d’art, la création artistique et l’institution des politiques culturelles. Lors de cet épisode en effet, la critique d’art s’isola du monde des artistes, en réclamant le droit, mieux que les artistes et mieux que le public (qui vint alors nombreux), de déterminer quels sont les critères de l’art. Les artistes eux-mêmes décidèrent de s’exposer dans un salon qui n’était pas à proprement parler un musée.
Force est de constater aujourd’hui qui rien n’a vraiment changé, et que le rapport entre les œuvres, leur public, les institutions et les critiques sont toujours conflictuels et problématiques. C’est en quelque sorte le problème que pose le sujet proposé à notre réflexion, dans la mesure où le fait de se demander si l’art n’existe que dans les musées incite à penser que l’art dépend d’une institutionnalisation quelconque, alors que par définition le propre d’une œuvre d’art est de naître d’une créativité pour être exposée au regard d’un public dont les critères de jugement sont éminemment variables dans le temps, comme en atteste l’histoire de l’art elle-même. Nous chercherons donc à creuser ce problème de l’institutionnalisation de l’art, afin de mettre en relief le fait que l’art se définit par ce rapport de transgression paradoxale.
Nous nous attacherons tout d’abord à suivre une lecture historique de l’évolution de l’art et de sa rupture avec l’institutionnalisation de ses manifestations, pour ensuite tenter de comprendre en quoi cette lecture commande de centrer le problème de l’art sur celui du public et de ses attentes, qui échappent donc par principe à la fixité des politiques culturelles des musées.
[...]La rupture de l’art et des musées s’apparente à deux facteurs : à l’égard du public, et à l’égard de la création artistique. À l’égard du public, qui apparaît ici paradoxalement comme un obstacle imposant aux artistes leurs modes de production, leur goût. À l’égard de la logique de création artistique, c’est-à-dire de la façon de faire, de créer, de penser l’art : il s’agirait de se donner les moyens de choisir de façon parfaitement libre, et non en fonction de règles préimposées. Par conséquent, comme les musées sont les lieux qui exposent des artistes reconnus, l’art ne peut vivre dans des musées.
On pourrait toutefois se demander dans quelle mesure il ne serait pas possible de réconcilier partiellement l’art et les musées. Certains musées contemporains, comme les fondations ou les musées ouverts à des performances actuelles montre que le public peut s’adapter, accepte que l’art s’affranchisse des normes préimposées par un goût, ou par les héritages de l’histoire de l’art.
La totale liberté de l’art paraît néanmoins impossible : les conservateurs de musée doivent bien choisir des œuvres, imposer en quelque sorte une forme de création aux artistes, puisque, finalement, l’art a pour destination d’être vu et apprécié. Le public s’affranchit donc des logiques internes de l’art pour lui imposer une logique de recevabilité, et c’est ce que reproduisent les musées lorsqu’ils définissent leurs identités. L’art ne peut donc échapper aux musées, et doit se créer dans son espace, sous peine de n’être plus qu’une vaine créativité.
Il semble toutefois possible pour l’art de revendiquer une forme de transgression constante, qui se retrouve souvent aujourd’hui dans la manière dont certains artistes se radicalisent Hors du musée, l’art paraît retrouver une forme de défi du nouveau et de l’excès, au risque de le voir s’exténuer dans le novateur et l’inédit, et au point parfois de ne pas être compris du tout et de se targuer d’être à la pointe de ce qui n’a jamais été fait.
Ce geste de l’art ne paraît toutefois pas durable. Face à une telle radicalisation, le public est en demande de codes de lecture et de compréhension. Se fait en quelque sorte jour une demande d’explication et d’assistance, qui n’est pas un rejet mais un besoin devant l’insolite et l’inédit. Réciproquement, un artiste sans aucun public que lui-même risque bien d’enfermer son art dans ce qui le nie : l’absence d’exposition de l’œuvre, et la négation de sa vie propre.
La demande d’explication semble ici pouvoir être remplie par les historiens et les philosophes de l’art, qui seraient enjoints de construire un discours de rationalisation de l’évolution de l’art. Il faut alors concevoir ces intermédiaires comme le trait d’union entre le public, l’artiste, et le musée, trait d’union qui sort en quelque sorte l’art du musée, puisque si le musée peut se faire le lieu de l’exposition, l’art se fait essentiellement hors du musée, dans l’atelier du créateur, et dans le réseau de la publicité de son travail.