N’y a-t-il aucune vérité dans le mensonge ?

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L'analyse du professeur


Le sujet se présente sous la forme d’une contradiction surprenante puisqu’il demande de réfléchir à la possibilité de mettre sur le même plan deux notions parfaitement opposées. Il faut donc soulever cette contradiction pour montrer que le problème est en fait de s’interroger ici sur l’origine du mensonge et son statut d’occultation de la vérité. C’est seulement à ce titre que nous pourrons penser une vérité du mensonge, c’est-à-dire essayer de savoir si une affirmation, même fausse, peut-être dépassée pour nous instruire vraiment sur quelque chose, au-delà de sa volonté de tromper. Ce sujet fait donc problème parce qu’il conduit à deux affirmations paradoxales. D’une part, le vrai exclut par nature le mensonge : le mensonge est le contraire de la vérité, et ne se définit justement que comme volonté de cacher la vérité. D’autre part, le mensonge contient une part de vérité, directement ou indirectement, dans la mesure où non seulement l’analyse des motifs du mensonge révèle les raisons pour lesquelles il fallait cacher le vrai, mais surtout plus profondément, le mensonge révèle une vérité subjective, puisque celui qui ment veut que soit vraie une autre interprétation de la réalité que celle à laquelle il est confronté. Peut-on alors retrouver le vrai à l’intérieur du mensonge ? Ne faut-il pas dépasser l’opposition entre vérité et mensonge ?

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Plan proposé

Partie 1

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Nous pensons, bien sûr, de prime abord que le mensonge exclut la vérité. D’un point de vue théorique, l’affirmation logique du vrai exclut le mensonge, puisque que les critères de la vérité permettent de mettre au jour les falsifications du mensonge.

b

D’un point de vue pratique, le vrai correspond aux choses : il est donc vérifiable expérimentalement, à la différence du mensonge qui n’entretient qu’une apparence de réalité.

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Enfin, d’un point de vue moral, la recherche du vrai exige un effort et une honnêteté qui contrastent avec la volonté et l’intention du mensonge.

Partie 2

a

Mais cette analyse est insuffisante à partir du moment où le mensonge est justement une manière de ne pas dire la vérité, c’est-à-dire que le mensonge repose d’abord sur la conscience du vrai, conscience qui détermine justement la volonté de mentir.

b

Par conséquent, il paraît bien y avoir une part de vérité implicite en tout acte mensonger. Nous pouvons donc réfléchir à ce que révèle négativement le mensonge, ce qui conduit à analyser les implicites de vérité du mensonge (l’inconscient, les actes manqués, les lapsus...).

c

Enfin, lorsqu’une personne ment, c’est parce qu’elle poursuit un but et cherche à influencer la personne à laquelle elle ment. Le mensonge n’est donc pas purement gratuit, mais vise un autre vérité, une autre interprétation possible de la réalité.

Partie 3

a

En ce sens, il est possible d’essayer de montrer que les limites entre mensonge et vérité deviennent elles-mêmes relativement indéterminées. En effet, comme nous avons pu montrer que le mensonge est toujours une manière de se démarquer de la vérité et de la suggérer, nous pouvons à présent nous interroger sur les conditions du vrai, en démontrant que le vrai lui-même n’est jamais totalement vrai mais souvent passablement incertain. Le mensonge procéderait donc d’une volonté d’interpréter différemment la réalité.

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Cela signifie que si le mensonge reste souvent porteur d’une part de vérité, la vérité est elle-même détentrice de mensonge. Les frontières deviennent alors floues et les deux opérations ne diffèrent pas tant par nature cognitive que dans l’intention morale. Il est d’ailleurs parfois possible de prêcher le faux pour savoir le vrai, ce qui montre à l’évidence que l’interprétation fausse permet de révéler le vrai.

c

Enfin, le mensonge contient une part de vérité en ce qu’il peut certes être dénoncé comme ne correspondant pas à la réalité, mais en ce qu’il révèle également la façon dont un individu interprète subjectivement la réalité. Le rapprochement du mensonge et de la vérité met donc au jour le fait qu’il y a peut-être moins une vérité objective que des vérités subjectives.