Plan proposé
Partie 1 : La légitimation de la vengeance.
a - Le pouvoir judiciaire au fondement du contrat social.
Si la plupart des penseurs politiques reconnaissent que la nécessité politique naît de la volonté de réguler la violence, il revient à Hobbes d’avoir le plus explicitement montré que le Léviathan est un monstre politique résultant de la conjonction de forces antagonistes, qui ne peuvent se réconcilier qu’en attribuant à une force le pouvoir de les dissuader d’exercer une violence personnelle.
-> Développer l’idée d’un état de nature comme état de crainte perpétuelle.
b - La légalisation des comportements.
Si l’objectif de l’état social est de produire un consensus quant aux lois qui s’appliqueront à tous les membres de la société, il apparaît ainsi que seule une loi définie par tous (le peuple comme souverain) pourra réconcilier les logiques adverses des intérêts particuliers (le peuple comme sujet). Le Traité du gouvernement civil est donc, comme le montre Locke, le résultat d’une construction juridico-politique.
-> Développer l’idée d’un progrès de l’intelligence politique comme rationalité intéressée, permettant à chacun de se concevoir comme lié par son avantage propre à une loi devenant ainsi bonne pour tous.
c - Les limites de la légitimation de la vengeance.
Cependant, il reste que le consensus est souvent fragile, dans la mesure où les lois choisies tranchent toujours entre plusieurs options, et légitiment nécessairement les choix de certains au détriment d’autres. Par conséquent, quand bien même, à l’instar de Montesquieu, L’esprit des lois est au-dessus de toute logique particulière, la définition et l’exécution de la justice tranchent contre le consensus.
-> Développer l’idée que la justice peut apparaître comme donnant droit à la vengeance de certains, quand bien même elle ne serait que le résultat d’un choix collectif, antérieur à l’existence des délits particuliers.
Partie 2 : Les conflits ineffaçables : des sociétés nécessairement agonistiques.
a - L’impossible réconciliation de la peine.
Si la vengeance reste ainsi toujours insidieusement présente dans le choix comme dans l’application de la loi, la force légale ne peut jamais se substituer pleinement à une forme de violence, et la peine apparaît encore sous le jour d’une vengeance, assumée certes par la société, mais toujours au nom de celui qui a subi le dommage. Ainsi, Nietzsche est-il fondé, dans Ainsi parlait Zarathoustra, à penser que l’État est un « monstre froid » dont le « mensonge » ne peut pleinement cacher aux hommes l’arbitraire dont il fait preuve en lieu et place de la justice qu’il prétend incarner.
-> Développer l’idée d’une justice qui ne peut être que l’objectivation d’une règle particulière, au mieux majoritaire, mais exprimant toujours certains choix contre d’autres qui étaient possibles.
b - La dissimulation historique de la logique de vengeance.
Par ailleurs, le fait que la loi ne soit au mieux qu’un consensus reconnu comme nécessaire et utile pour réguler une société ponctuellement, face aux conflits et aux circonstances qui la caractérisent, conduit à concevoir cette société comme un ensemble de choix fermant toujours plus d’autres choix également possibles. Dès lors, si une telle évolution explique que les traditions juridiques soient différentes d’un pays à l’autre, elle conduit également à faire le triste constat du fait que les systèmes juridiques ne peuvent que rencontrer des difficultés croissantes à reconnaître des individus dont les comportements n’auraient pas été conditionnés par leurs traditions particulières. S’expliquerait ainsi la manière dont notre société s’enfermerait par exemple dans trompeuse confiance qu’elle projette dans progrès de la justice et de ses procédures, comme le dénonce Foucault dans Surveiller et punir.
-> Développer l’idée d’une logique pénale habillée moralement par les coutumes d’une société, qui se discipline en fonction de ses traditions, et des valeurs qu’elle construit à mesure de son acceptation de l’arbitraire de ses lois.
c - La vengeance sociale, au-delà de la vengeance instinctive.
La conséquence d’une telle moralisation de l’arbitraire serait alors l’enfermement dans une conviction lâche d’une peine perçue comme une vengeance par celui qui n’a justement pas saisi l’essence de la justice, et se comporte ainsi comme un barbare à l’égard d’une loi sédimentée dans une caution historique rassurante. La détermination ethnocentrique de la pénalisation des comportements devient alors, selon une logique décryptée au niveau plus englobant de la culture par Claude Lévi-Strauss dans Race et Histoire, une façon d’exclure celui qui ne peut s’acculturer et s’assimiler à une communauté portant le poids historique de son identité.
-> Développer l’idée d’un dédoublement de la vengeance, puisque s’ajoutent à la vengeance particulière, la vengeance de la norme sociale contre ce qui est étranger à son mode de constitution.
Partie 3
a - La logique pénale, une exigence de justice.
La démonstration qui précède indique toutefois que la logique pénale résulte d’une construction ouverte aux choix, malgré la fermeture relative de ces choix à mesure du poids de la mémoire. Nulle fatalité, au demeurant, ne gomme la possibilité qu’une société ne rencontre la limite de son arbitraire, lorsque ses lois épuisent la société au point de la fermer au renouvellement social indispensable à sa vigueur. Ainsi en a-t-il été de la société romaine aux yeux des esprits éclairés du Moyen-Âge, tel Augustin, qui voit dans La cité de Dieu, dans la dépravation des mœurs de la société romaine le signe du déclin de ses normes.
-> Développer l’idée qu’une société ne peut s’enfermer dans une logique de la vengeance sans risquer d’exclure la richesse sociale indispensable à son renouvellement.
b - La signification de la peine : le sens et la hauteur de la justice.
À cet égard, aucune justice ne peut se dispenser d’une légitimation plus puissante que celle de sa propre tradition, et de son identité passée. La justice n’est pas simplement la traduction d’un héritage, sans quoi elle se heurte à la simple raison de celui qui la consulte et en juge, mobilisant ainsi la puissante voix de la conscience morale qu’évoque Rousseau dans les Confessions ou dans L’Émile, lorsqu’il rend hommage aux sentiments naturels de l’homme confronté à l’injustice.
-> Développer l’idée que la justice n’est pas simplement la légitimation de choix normatifs positifs et historiques. L’idée de justice est également morale, et appartient à la raison et au cœur, telle une exigence inscrite au cœur de la liberté humaine quand sa conscience s’impose à la raison.
c - Les priorités de la justice : retrouver le sens des peines.
Dès lors, la justice s’apparente à une exigence, qui peut tolérer que certaines peines ne soient pas justes, mais qui ne s’accommode jamais que l’équité ait quitté le terrain de la peine. La peine ne peut ainsi jamais être justifiée par la vengeance, quand elle serait vécue et interprétée comme telle par des esprits obtus et myopes. La peine exprime le sens et le besoin de la justice, c’est-à-dire qu’elle ne peut être peine qu’à la condition de traduire le devoir de l’homme, et la façon dont un homme aurait dû faire preuve de dignité. Comme le défend ici Kant, dans Les fondements de la métaphysique de mœurs, la justice est une exigence morale et une construction juridico-politique, dont le sens échappe à la vengeance, quand bien même son application peut s’en réclamer.
-> développer l’idée que la peine se réfère toujours à une institution qui se donne pour tâche de juger et de punir, et non à une volonté particulière qui prend l’autre pour objet de sa colère. La peine est donc le symbole d’une dépersonnalisation du jugement, qui fait nécessairement de la justice le contraire de la vengeance, puisqu’elle évalue justement le degré d’écart face à une norme sociale.