Les apparences sont-elles trompeuses ?

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L'analyse du professeur


Il s’agit ici de savoir si nous pouvons nous fier à ce que nous disent nos sens. Il semble que nous sommes constamment sollicités par une expérience du monde qui nous permet de forger progressivement nos connaissances, à raison des interprétations intelligentes que nous faisons de notre monde sensible. À cet égard, nous n’avons pas vraiment d’autre moyen à notre disposition que le monde sensible pour construire notre connaissance, c’est-à-dire que l’apport des informations sensorielles qui nous permettent de construire notre compréhension du monde. La raison ne fonctionne, en ce sens, que comme une capacité de tri et d’organisation des informations sensorielles. Or, il est indéniable que les sens nous trompent puisqu’ils nous donnent souvent des informations contradictoires qui nous induisent en erreur, ou tout au moins qui nous fournissent des interprétations divergentes et conflictuelles des choses que nous vivons par expérience. Il faut donc affronter ce paradoxe propre à la constitution de notre savoir, paradoxe selon lequel nous semblons soumis à un apport premier d’informations sensorielles que nous devons corriger et améliorer au moyen d’une raison qui ne paraît avoir à sa disposition qu’une capacité de comparaison et d’interrogation des données sensorielles.

[...]

Plan proposé

Partie 1

L’analyse des contradictions propres à la perception du monde paraît conduire nécessairement à la conclusion que les apparences sont trompeuses.

a

En effet, à l’évidence non seulement tous les hommes ne perçoivent pas les mêmes choses, mais un seul homme peut interpréter de façon différente les choses qu’il voit.

b

En outre, il apparaît que les choses elles-mêmes sont soumises à des changements qui semblent condamner les connaissances que nous en avons à des contradictions irréductibles, ou tout au moins à une relativité qui semble extrêmement problématique pour une connaissance qui se voudrait durable.

c

Enfin, toute expérience des chose est limitée partielle ou perfectible. En ce sens, l’esprit n’a jamais le temps ou la puissance de connaître les objets qui lui sont donnés dans les expériences qu’il en a.

Partie 2

Le constat selon lequel les apparences sont nécessairement trompeuses est toutefois peut-être un peu radical, ou insuffisant.

a

En effet, ce constat ne prend pas en compte le fait que l’esprit peut corriger les sens en multipliant les expériences des choses, c’est-à-dire en faisant en sorte de corriger les sens par les sens eux-mêmes.

b

En outre, l’esprit possède également un pouvoir logique d’analyse et de tri des apparences, puisqu’il peut comparer les expériences sensibles, les soumettre à des analyses logiques et parvenir à formuler des déductions qui imposent à ces apparences une signification qu’elles n’ont pas par elles-mêmes.

c

Dès lors, il semble possible de dire que ce ne sont pas tant les apparences livrées par les sens qui sont trompeuses que le crédit que nous accordons à ces apparences, c’est-à-dire que c’est l’interprétation que nous faisons de la réalité, en attribuant une signification erronée à ce que nous sentons, qui est trompeuse, et non les informations sensorielles que nous possédons de façon brute et expérimentale.

Partie 3

Néanmoins, le fait de penser que la raison corrige les sens au moyen des sens, ou de son pouvoir d’analyse logique, semble nous instruire plus profondément de notre rapport aux apparences.

a

En effet, le travail de la raison induit l’idée qu’il y aurait comme une apparence trompeuse et une vérité derrière les apparences sensibles. Or cette conclusion est elle-même inexacte si nous prenons conscience du fait que la vérité que nous construisons n’est elle-même qu’une apparence logique, c’est-à-dire une grille d’interprétation possible, une représentation intellectuelle de la réalité.

b

Nous vivons donc bien dans un monde d’apparences, mais intellectuelles, dont la cohérence logique fait la vraisemblance, mais dont ne possédons au fond aucune certitude définitive.

c

Dès lors, il semble nécessaire d’avouer que toutes les apparences, sensibles comme intellectuelles, restent relativement trompeuses, mais que ce caractère trompeur ne doit pas conduire au rejet des apparences, qui sont irrémédiablement notre seule réalité.