Le droit se fonde-t-il sur l’intérêt privé ?

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L'analyse du professeur


Nous pouvons définir le droit comme le système des lois ayant pour but d’organiser la vie collective des membres d’une société en déterminant les comportements autorisés ou interdits. Dès lors, le droit a pour fonction de réduire la liberté naturelle de tout individu, c’est-à-dire de réduire le nombre des comportements possibles. Le but du droit est ainsi de permettre à chacun d’avoir un ensemble de libertés compatible avec l’ensemble des libertés des autres individus. Nous pouvons, à ce sujet, remarquer que le droit semble s’opposer nécessairement à la liberté que ressent chaque individu lorsqu’il raisonne uniquement à partir de son intérêt privé. En effet, l’intérêt privé est l’ensemble des choses que chacun se représente comme bonnes pour assurer son existence et se réaliser. L’intérêt privé peut donc conduire un individu à vouloir des choses que le droit interdit puisqu’elles ne sont pas compatibles avec les libertés des autres membres de la société. Tout le problème de ce sujet sera donc de comprendre en quoi précisément l’intérêt privé entre en contradiction avec l’intérêt public. En ce sens, est-il si évident que l’intérêt de chacun peut entrer en contradiction avec celui des autres ? Un individu n’est-il pas nécessairement porté, du fait même de vivre en société, à ne vouloir que ce qui est compatible avec l’intérêt d’autrui, attendu que ce qui en diverge l’éloigne de cette société qui lui permet de subsister et de définir ce qu’il veut ? L’analyse du problème dépendra donc de la possibilité de définir l’intérêt privé, c’est-à-dire de la question de savoir si l’intérêt privé bien compris et éduqué ne reconduit pas à l’intérêt commun.

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

Comme privé, l’intérêt de chacun paraît pousser chacun à poursuivre des objectifs qui sont en contradiction avec ceux des autres. En effet, l’intérêt privé est un intérêt qui se fonde sur la définition de ce qui semble bien à un individu tel qu’il se conçoit égoïstement, c’est-à-dire indépendamment des autres hommes.

b

Cet logique de l’intérêt individuel pousse donc à utiliser autrui et non pas à le respecter, c’est-à-dire à l’instrumentaliser pour réussir à atteindre ses propres fins.

c

Dès lors, il semble bien que le droit ne serait qu’une réunion de règles contradictoires et conflictuelles s’il cherchait à se fonder sur le pur intérêt privé.

Partie 2

a

Toutefois, il apparaît que si l’intérêt privé s’oppose systématiquement à l’intérêt public et à l’intérêt des autres, il n’a que peu des chances de se voir réalisé. À l’inverse, un droit qui ne prendrait pas en compte le jeu des intérêts privés semble condamné à pousser chacun à la transgresser. Ainsi, si l’intérêt privé est bien compris, il semble possible de le voir comme un fondement négatif du droit, puisque chacun accepte des règles limitant sa liberté au profit de sa sécurité.

b

Plus profondément même, en essayant de limiter son intérêt privé, tout homme est poussé à comprendre qu’il a besoin des autres pour se réaliser, ce qui le conduit à rechercher à poser des fins communes avec autrui, fin qui permettent de définir positivement et de vouloir directement des règles collectives de droit.

c

Le droit apparaît donc comme la résultante des intérêts privés. En se fondant sur le jeu des intérêts privés, le droit a pour fonction d’établir des normes communes qui accordent à chacun une marge de réalisation de son intérêt privé pour justifier par ailleurs la limitation radicale de tout ce qui excède cet intérêt privé raisonnable.

Partie 3

a

Il apparaît toutefois que si le droit reste un exercice de conciliation des intérêts privés avec l’intérêt commun, il ne pourra jamais convaincre véritablement les individus qui se penseront toujours comme les victimes des lois et chercheront à dénoncer le fonctionnement d’un système juridique qui nuit inlassablement à leurs libertés naturelles. Dès lors, il est peut-être possible de penser que le rôle du droit est bien de se fonder sur l’intérêt privé mais en l’obligeant à se transformer en intérêt commun.

b

Plus profondément, le droit a pour objectif de montrer à l’individu que son intérêt privé n’est qu’une expression particulière d’un intérêt public qui a pour expression la loi conçue comme volonté de tous.

c

Ainsi, l’ensemble des lois n’expriment l’intérêt privé que si cet intérêt se nie comme purement privé, c’est-à-dire que le droit se fonde sur la capacité pour chacun à saisir que l’intérêt privé n’existe jamais de façon égoïste.