L'analyse du professeur
Il s’agit ici de s’interroger sur la nature du désir en partant du fait que le désir ne se fait jamais sentir sans impliquer une forme de conscience précise de ce qui est désiré dans l’esprit de celui qui désire. En effet, à l’inverse du besoin qui se ressent comme une exigence propre à nous-mêmes, et qui impose une satisfaction quel que soit le mode de cette satisfaction (je peux manger n’importe quoi lorsque j’ai faim), le désir est sélectif et conduit à rechercher une satisfaction ciblée d’une chose en particulier (je désire déguster un Pommard).
Dès lors, le désir suppose une conscience qui identifie un objet : il suppose donc une forme de connaissance de la chose désirée. Cette connaissance ne laisse néanmoins pas d’être problématique, dans la mesure où la violence du désir brouille souvent la perception de la chose désirée. En effet, lorsque je désire une chose, je me la représente comme bonne, c’est-à-dire qu’elle me séduit, me fascine et me conduit à la valoriser. Le désir se cristallise, est oublieux de ce que cette chose peut avoir de déficient ou de mauvais. Bref, le fait que l’objet du désir me passionne rend la connaissance de cet objet d’autant plus difficile et d’autant moins objective. La connaissance de l’objet du désir est donc une connaissance paradoxale dont la validité semble douteuse et la réalité contestable.
[...]
Plan proposé
Partie 1
a
Il convient d’abord de se demander en quoi le désir par lui-même supposerait une forme de connaissance, en le distinguant du besoin. En effet, le besoin n’exprime qu’une volonté immédiate et sans distance c’est-à-dire une pulsion involontaire et non choisie vers un objet. Le besoin ne repose donc pas sur la conscience claire d’un objet précis mais sur la conscience d’un manque à combler.
b
À l’inverse, le désir paraît impliquer une forme de conscience élective, de choix, puisque l’on désire une chose en particulier pour les qualités qu’elle présente à nos yeux.
c
Le désir passe donc par la médiation d’un esprit qui choisit en se représentant une chose comme bonne pour soi, comme pouvant combler un manque ou améliorer sa situation présente. Dès lors, le désir paraît requérir une connaissance préalable afin de constituer le but, la finalité de ce qui est désiré
Partie 2
a
Cependant, la pertinence de la connaissance préalable semble contestable. En effet, l’emprise qu’exerce le désir sur notre discernement conduit non seulement à grossir le manque en nous de la chose désirée
b
mais surtout à se méprendre sur la nature des qualités que l’on suppose dans cette chose.
c
Dès lors, cette connaissance préalable de l’objet tient moins de la connaissance véritable que de la projection d’une opinion sans fondement.
Partie 3
a
Il semble d’ailleurs possible de mettre en question plus fondamentalement cette connaissance possible de l’objet du désir. En effet, ce qui est désiré n’est jamais l’objet en lui-même mais l’idée que l’homme se fait de l’objet, c’est-à-dire l’interprétation subjective de la nature de cet objet.
b
En ce sens, il ne s’agit pas tant d’une connaissance de l’objet qu’une connaissance de la qualité espérée par le désir, ce qui fait d’ailleurs que le désir ne se satisfait jamais vraiment de l’obtention de l’objet (il se renouvelle soit pour le même objet sous un rapport différent soit pour un autre objet qui n’est pas en notre possession).
c
Le désir paraît donc être une forme de dynamique existentielle propre à la conscience humaine qui suppose moins la connaissance d’objets particuliers qu’elle ne livre une connaissance de soi et du rapport du moi au monde.