Le désir est-il la marque de la misère de l’homme ?

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L'analyse du professeur


Le désir est à la fois le moteur de l’existence de l’homme et ce qui fait sa difficulté. En effet, il est évident qu’une vie sans désir est une vie triste qui ne semble pas portée par une dynamique et une volonté qui donneraient aux choses leurs valeurs. Mais à l’inverse, il est non moins évident que l’homme qui désire sans relâche se soumet à des objets qui ne lui sont pas forcément indispensables. Le problème de ce sujet est d’évaluer la portée morale de ce paradoxe. En effet, d’une part, il s’agit de constater que le désir se définit comme le mode essentiel par lequel l’homme cherche à améliorer son existence, ce qui fait que le désir apparaît comme positif pour un homme qui projette grâce à lui les conditions de son bonheur, qui donne de la valeur à certaines choses, ou au contraire en délaisse d’autres. Le désir anime chaque individu et lui permet de donner un sens à son existence. Mais, d’autre part, si le désir ne connaît jamais vraiment de satisfaction, puisque l’obtention d’une chose fait que le désir se reporte sur une autre chose ou se transforme pour désirer la même chose comme différente (désirer par exemple plus d’une chose ou d’une personne que l’on est parvenu à posséder ou à convaincre), le désir n’est-il pas l’affirmation d’un manque qui ferait que l’homme souffre constamment de son existence, et du fait de ne jamais avoir ce qu’il désire ? Bref, comment faire en sorte que le désir satisfasse sans que le manque de la chose désirée pèse sur le moral et l’existence ?

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

Le sujet porte d’abord à se demander ce qu’est précisément le désir (par rapport au besoin purement animal et non spirituel). En ce sens, le désir se définit d’abord comme une force qui porte vers les objets et qui montre que l’homme se réalise en fonction de sa capacité à se faire une idée des choses et à les souhaiter en fonction de la représentation qu’il en a.

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En effet, l’homme qui désire s’affranchit des conditions immédiates de son existence pour formuler des souhaits, construire des projets qui font de lui un être dépassant sa finitude, c’est-à-dire ne restant pas soumis à une existence immédiate qui serait celle du besoin.

c

Le désir exprimerait ainsi ce qui fait que l’homme n’est pas un animal borné et soumis aux choses extérieures immédiatement présentes sous ses yeux, mais est bien plutôt un être qui sait peser le pour et le contrer, comparer les choses et exprimer des préférences par lesquelles il manifeste des critères de valeur et des caractéristiques personnelles.

Partie 2

a

Néanmoins, le fait que le désir dépend des représentations et de la volonté de l’homme ne suffit pas nécessairement à en faire un principe de puissance ou de force bénéfique à l’homme. En effet, le désir est difficile à contrôler, parce que le choix de l’objet du désir dépend de la représentation que j’en ai, représentation qui peut être trompeuse parce que je n’en saisis pas nécessairement toutes les causes, comme le montre par exemple le rôle que peut y jouer l’inconscient dans la théorie de Freud.

b

En outre, la réalisation du désir ne dépend pas nécessairement de l’individu lui-même, puisque l’objet du désir n’appartient pas, par principe, à celui qui le désire. Le désir peut donc être déçu et malheureux.

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Enfin, quand bien même il se satisferait, le désir reste étranger au principe de satisfaction, puisqu’il se renouvelle vers un autre objet. En ce sens, le désir en lui-même ne se satisfait jamais vraiment, ce qui fait peut-être de lui la marque essentielle d’une misère et non d’une grandeur.

Partie 3

a

Toutefois, les écueils de l’analyse qui précède sont peut-être les conséquences d’une définition imprécise du désir qui se calque sur celle du besoin. En effet, est-il nécessaire de subordonner le désir à sa réalisation, c’est-à-dire de penser que le désir doit se satisfaire pour être une réussite. Le désir présente la particularité de ne pas requérir sa réalisation pour attribuer la valeur aux choses désirées.

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Dès lors, le désir montre peut-être tout au contraire que sa grandeur provient du manque lui-même dans la mesure où la fin du désir serait la mort, ce qui revient à dire que le désir n’a de sens que parce qu’il se renouvelle et conduit l’être désirant à changer son cesse d’objet de désir.

c

Il faudrait, à cet égard, affirmer que le désir bien compris n’est nullement un principe de soumission à des objets de désir, mais un principe de domination des objets, puisque la suppression de l’objet de désir (soit parce qu’il est atteint, soit parce qu’il ne peut plus être atteint) permet le renouvellement de la dynamique du désir et le transfert de la force du désir vers d’autres choses.