La paix sociale est-elle souhaitable ?

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L'analyse du professeur


Il semble, de toute évidence, que la paix sociale est souhaitable. En effet, le conflit nous apparaît comme le témoignage d’une animalité intolérable de l’homme qui n’assume pas ses pulsions. Toutefois, est-il si évident que la société puisse opérer la convergence des intérêts particuliers ? Notre répulsion à l’égard du conflit se heurte à une autre évidence qui nous porte à reconnaître que chacun cultive une identité et une culture propre. Autrement dit, nous pouvons nous demander à quel prix la paix sociale est souhaitable, et dans quelle mesure la vouloir à tout prix ne conduit pas à nier les différences constitutives de l’individualité.

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Plan proposé

Partie 1

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Il semble naturel de penser que la définition de la société comme ensemble d’individus vivant ensemble sur un même territoire semble appeler l’idée d’une paix en tant qu’état de non conflit permettant à chacun de vivre en toute sécurité.

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De plus, la vie commune des individus se réalise selon un certain nombre de normes et de codes partagés et historiquement déterminés qui permettent à des relations de confiance de se créer et à une civilisation de voir le jour.

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Enfin, ce n’est que par la paix que se développent un esprit commun et une identité collective par lesquels l’humanité progresse.

Partie 2

a

Néanmoins, cette analyse omet les raisons des divergences entre les individus. La paix sociale (comme celle que connaissent les démocraties contemporaines fondées sur l’égale liberté des individus) correspond également à un état qui exige des individus qu’ils adoptent des comportements policés, et qu’ils se plient aux règles politiques qui définissent les modalités de leurs existences.

b

Dès lors, ce n’est plus tant à chacun de s’accorder avec autrui, qu’à la puissance publique de déterminer des règles qui s’imposent aux individus. D’où le risque que les individus se renferment sur eux-mêmes au point de mettre en péril non seulement la paix, mais plus profondément tout esprit de sociabilité (égoïsme propre à la tendance individualiste moderne).

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Dès lors, la paix sociale risque de conduire progressivement les individus à s’abêtir et devenir des objets manipulables, au point qu’à un faux état de paix risque de s’articuler une nouvelle forme de despotisme.

Partie 3

a

En ce sens, l’entretien de conflit ou de rivalités sociales (comme celles liées aux différentes idéologies, ou aux différents modes de vies) permet de penser que la confrontation entre des points de vue contradictoires entretient en même temps la richesse et le dynamisme d’une société.

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Il ne s’agit pas bien sûr de faire l’apologie de la lutte sociale et de la cristallisation des antagonismes, mais de penser que le maintien des différences et des divergences est souhaitable dans certaines limites (puisqu’il faut se rappeler que la guerre radicale du chacun contre chacun ruine toute sociabilité et toute vie décente et proprement humaine).

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Dès lors, loin d’être une fin en soi ou un état toujours désirable, la paix sociale peut apparaître comme dangereuse, et ne doit pas être considérée comme l’objectif unique de la vie sociale, puisque c’est à ce prix que risque de s’imposer une pensée unique.