La démocratie est-elle la garantie de lois justes ?

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L'analyse du professeur


Nous pouvons définir la démocratie comme un régime politique fondé sur la souveraineté populaire, ce qui signifie que c’est le peuple qui détient, de façon directe ou indirecte, le pouvoir politique. Cette organisation politique, en se fondant formellement sur le pouvoir du plus grand nombre, a donc pour but de garantir le respect de l’intérêt commun. Autrement dit, il semble que le principal avantage de ce régime est d’éviter le risque de voir quelques-uns s’accaparer le pouvoir pour l’exercer uniquement dans le but de satisfaire leurs intérêts particuliers. La réponse à la question posée semble, dès lors, évidente puisque si tous sont détenteurs du pouvoir, aucune loi ne pourra privilégier l’intérêt particulier. Les lois seront donc automatiquement juste puisque la justice sera collective et non individuelle, c’est-à-dire qu’elle résultera de la négociation entre les différentes conceptions individuelles du juste. Néanmoins, le problème de cette négociation, comme au sujet de toute procédure de discussion, est de voir se cristalliser les antagonismes et d’échouer ou de ne pas parvenir à formuler une solution. Autrement dit, la démocratie pourrait ne pas garantir des lois justes si tous ne peuvent se mettre d’accord ou si quelques-uns parviennent à tromper les autres dans la délibération législative. Plus largement, le problème tient également à la différence entre l’individu tel qu’il participe par principe à la souveraineté (il est en tant que citoyen un des contractants politiques) et l’individu tel qu’il doit se soumettre à la loi (il doit se plier aux décisions politiques et aux lois votées par ses représentants, quand bien même il n’est pas personnellement en accord avec ces lois). Comment fait pour réconcilier ce fossé qui se creuse en lui, entre le principe politique de la souveraineté et l’existence personnelle ?

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

Nous pouvons partir du principe que la démocratie, parce que fondée sur un contrat social, est un régime nécessairement juste qui repose sur l’égalité radicale des individus et donne à chacun la même liberté qu’autrui.

b

Les lois ne sont ainsi que les traductions, par la bouche des représentants dans une démocratie indirecte, ou par sa propre bouche dans le cas des démocraties directes, de la volonté de chacun. Les lois formulent donc par principe l’intérêt commun.

c

De même, l’exercice de rendre la justice, et plus généralement le principe de la représentation, font qu’aucun arbitrage n’est arbitraire, c’est-à-dire que l’application des lois est juste puisqu’elle est assurée par des fonctionnaires d’un État qui ne sont pas partisans.

Partie 2

a

Toutefois, ce point de vue idéal repose peut-être sur une confiance trop grande dans le fonctionnement des institutions. En effet, l’exercice de la politique démocratique risque d’être confronté à des oppositions paralysantes, des conflits de valeurs impossibles à trancher, et face auxquels le représentant n’a pas d’autre choix que prendre parti et léser ceux qui ne sont pas majoritaires et sont pourtant fondamentalement en désaccord avec la majorité.

b

En outre, le rôle même du représentant est de prendre des décisions sans consulter à chaque fois les individus. Il possède donc une marge de manœuvre dans laquelle risque de s’introduire insidieusement des risques de manipulations ou de détournement de l’intérêt commun.

c

Enfin, quand bien même les lois feraient l’unanimité, et que le représentant ne chercherait pas à agir de façon partiale, il n’est pas impossible que ponctuellement le sens légal du juste ne soit pas partagé par celui qui agit, dont les valeurs morales le conduisent alors à contester la justice de certaines lois.

Partie 3

a

Dès lors, si l’exercice de la démocratie ne garantit pas nécessairement que les lois soient justes, il convient cependant de penser qu’elle est le seul régime qui peut servir de fondement à l’élaboration d’une conception partagée de la justice puisqu’elle en garantit les conditions formelles (vote, institutions etc.).

b

Se pose ainsi le problème de la marge de perfectibilité des lois : comment les améliorer pour dépasser les facteurs de l’injustice ? Répondre à la question posée requiert de dépasser le constat d’une guerre indépassable des valeurs.

c

Où se comprend le fait que la démocratie est au moins autant un idéal moral qu’une réalité politique, c’est-à-dire qu’elle ne garantit jamais parfaitement que les loissoient justes, mais elle permet de penser qu’elles ont tendance à le devenir, et que l’organisation des institutions qui encadrent l’exercice de la loi garantit à chacun que justice lui soit rendu, si la loi est trop générale ou mal conçue et ne lui permet pas par principe de se voir reconnu dans la légitimité de son comportement.