Plan proposé
Partie 1
De prime abord, nous aurions spontanément tendance à répondre que la compétence donne plus de droits à celui qui la possède puisqu’il est plus qualifié pour agir.
a
La compétence se définit en effet comme la possession d’une connaissance suffisante pour rapporter des problèmes pratiques à un cadre d’analyse théorique qui évalue les choses non en fonction de l’urgence de la situation mais à partir de principes vrais et justifiables conceptuellement.
b
En outre, la compétence ne se résume pas à un savoir théorique : elle est un savoir pratique au sens où celui qui est compétent possède une connaissance historique des expériences passées des hommes, connaissance qui lui permet ainsi de comparer une situation particulière à d’autres situations similaires qui lui permettent d’évaluer les solutions possibles de cette situation au regard des autres solutions déjà expérimentées.
c
Enfin, la supériorité de la compétence se comprend parce qu’elle donne à celui qui la possède les moyens d’innover et de ne pas se trouver emprisonné ni dans l’urgence d’une situation, ni dans la répétition des expériences passées. La compétence est un savoir-faire qui permet à certains hommes d’être mieux à même que d’autres de savoir ce qu’il faut faire en fonction de ce qu’il est possible de faire.
Partie 2
Cependant, il apparaît que cette réponse fait elle-même problème dans la mesure où la possession d’une compétence ne dépend pas entièrement d’un individu.
a
En effet, le fait d’être compétent dépend peut-être du travail de celui qui s’est efforcé de l’être, mais dépend également et plus fondamentalement des dons initiaux de cette personne.
b
Dès lors, il est évident que la compétence dépend d’une forme d’inégalité naturelle entre les hommes, parce que les hommes n’ont pas tous les mêmes dons et les mêmes capacités. Est-il alors juste de donner plus de droits à celui qui a déjà plus de talents naturels ?
c
Cette question est d’autant plus problématique que nous vivons dans des régimes qui, comme démocratiques, sont censés reposer sur l’égalité naturelle des tous les individus qui coexistent dans une société donnée. Dès lors, il est peut-être utile de reconnaître que tous les individus n’ont pas les mêmes compétences, mais dangereux de se fonder sur ce constat pour consacrer cette inégalité au plan des structures juridiques. Ne faut-il pas au contraire donner moins de droits à celui qui possède déjà par lui-même une plus grande compétence et peut s’en servir avantageusement par rapport à d’autres ?
Partie 2
Ce problème conduit ainsi à penser que la compétence est à la fois utile à reconnaître et dangereuse à valoriser.
a
En ce sens, la compétence ne peut justifier l’attribution de droits dans la mesure où ces droits serviraient l’intérêt particulier de la personne compétente, qui pourrait ainsi revendiquer juridiquement un statut supérieur ou un rôle plus important que les autres individus.
b
La compétence ne peut donc donner des droits qu’à celui qui ne ferait usage de cette compétence qu’en direction de l’intérêt général, de l’intérêt de tous et non de son propre intérêt égoïste ou particulier.
c
Se comprend alors les droits particuliers accordés à certains membres de la société, non en tant que personnes particulières, mais en tant que représentants du bien public, comme les magistrats, les hommes politiques ou les différents représentants de l’État démocratique. La compétence ne donne donc des droits que si ces droits sont socialement utiles et permettent à tous, et notamment aux plus démunis, de profiter de l’exercice de cette compétence.