L’art nous détourne-t-il de la réalité ?

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L'analyse du professeur


Le problème consiste ici à remarquer que le statut de l’art est ambigu. L’art procède initialement d’un travail technique qui a pour but de produire une représentation esthétique, c’est-à-dire une oeuvre qui se montre. Mais, pour autant une oeuvre d’art n’est jamais totalement autonome dans le sens où elle représente toujours quelque chose, que cette chose soit une réalité physique (un objet du monde par exemple) ou une idée abstraite qui décide l’auteur de l’oeuvre à la créer. L’art est donc une forme de langage qui n’est pas vraiment autonome, mais qui re-présente ce qui a déjà été présenté. En ce sens, si une oeuvre traduit ce qu’un auteur, un artiste a cherché à y montrer, l’oeuvre d’art n’est jamais vraiment elle-même sans pouvoir non plus être autre chose qu’elle-même, sans pouvoir se substituer à ce qu’elle montre ou décrit. Se poser la question du rapport de l’art à la réalité traduit ce paradoxe puisqu’il semble que l’art est à la fois une production autonome qui a une existence esthétique propre et une illusion qui ment sur elle-même et se fait passer pour une réalité qu’elle n’est pas et dont elle détourne.

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

L’art dépend toujours de l’intention et de l’esprit de l’artiste, c’est-à-dire que tout oeuvre représente quelque chose, que cette chose soit une réalité spirituelle, une idée ou un élément de la réalité matérielle, une chose pour le dire simplement.

b

Il semble donc nécessaire de voir l’oeuvre l’art comme une réalité seconde qui représente une réalité première présente sous la forme d’une idée de l’artiste, ce qui place de fait l’art dans un rapport de décalage par rapport à la réalité.

c

Dès lors, si l’oeuvre symbolise autre chose que ce qu’elle présente concrètement, l’art détourne d’une réalité qui ne se montre que par lui.

Partie 2

a

Cependant, l’oeuvre d’art constitue également une chose indépendante puisqu’elle s’expose en s’affranchissant de la réalité dont elle a détourné : une oeuvre existe indépendamment de son producteur.

b

Il faut donc clairement comprendre que le point de vue qui consiste à réduire l’oeuvre à ce qu’elle représente est un point de vue tronqué, qui ne tient pas compte du fait que l’oeuvre est une réalité qui se donne à voir comme séparée de son origine.

c

Qui plus est, cette réalité n’a pas besoin de son support de création, et est même plus réelle que lui, dans la mesure où la réalité initiale, quand bien même l’artiste se voulait réaliste par rapport à une réalité qu’il a cherché à représenter, reste une interprétation subjective et abstraite.

Partie 3

a

En ce sens, l’autonomie de l’oeuvre n’est pas tant un artifice trompeur, puisque le spectateur est conscient de ce dialogue permanent entre la réalité de l’oeuvre, l’idée de l’artiste et ses sources d’inspiration. Ce qui oblige à concéder que l’art ne détourne de la réalité que si le spectateur veut lui-même s’en détourner et ignorer la complexité de l’oeuvre.

b

Dès lors, si tant est que le spectateur soit de bonne foi, il faut plutôt saisir que l’oeuvre propose un dialogue avec la réalité, dialogue dont la fin semble bien inextricablement liée avec la réalité puisque l’oeuvre ne cache jamais son rapport ambigu à la réalité.

c

Loin donc de détourner de la réalité, l’oeuvre d’art est un intermédiaire qui pousse le spectateur à voir les choses que l’oeuvre rend visible, c’est-à-dire que l’art entretient bien un rapport direct à la réalité, mais un rapport honnête, au sens où elle révèle que toute réalité n’est jamais indépendante d’une interprétation subjective.