L'analyse du professeur
Ce sujet invite à poser le problème des finalités de l’art. La question de l’utilité de l’art est en effet récurrente, dans la mesure où nous supposons implicitement que toute activité n’est pas à elle-même sa propre fin mais sert à autre chose (de la même façon que la médecine sert à soigner, soigner sert à être en bonne santé, être en bonne santé sert à bien vivre, bien vivre à être heureux etc.). Or, l’oeuvre d’art, dans la mesure où elle est destinée à être vue, à se montrer, semble se définir par une forme de gratuité esthétique l’affranchissant de toute utilité directe dans son rapport aux autres activités humaines, tout au moins dans un rapport utilitariste qui fait de toute chose un moyen en vue de la production d’une autre chose.
Dès lors, si l’oeuvre d’art ne produit rien d’autre que le fait de montrer quelque chose qui ne peut avoir d’utilité instrumentale pour celui qui la contemple, il semble pourtant, par ailleurs, que le fait de contempler une oeuvre d’art procure des sensations, des idées, des impressions qui, si elles ne sont pas quantifiables très directement en termes d’utilité matérielle, sont pourtant importantes aux yeux des hommes. Tout le problème sera donc de montrer que le critère de l’utilité est, rapporté à l’art, ambigu et oblige à redéfinir l’utilité selon un critère non utilitariste.
[...]
Plan proposé
Partie 1
a
Il est tout d’abord évident que l’art est une technique qui apprend à l’homme la maîtrise de son corps, dans la mesure où l’artiste développe un savoir-faire technique nécessaire à la réalisation de l’oeuvre.
b
Au-delà d’ailleurs de cette utilité matérielle pour l’artiste, le fait de concevoir une oeuvre oblige son créateur à s’interroger sur sa façon de voir puis de représenter ce qu’il cherche à réaliser.
c
Enfin, au-delà même de son utilité technique ou de son utilité intellectuelle, l’art procède toujours d’une intention créatrice qui traduit un besoin ou une envie de l’artiste, ce qui revient à dire que la création est utile à celui qui crée puisqu’il y trouve là la satisfaction d’un besoin ou d’un désir qui ne s’accomplit qu’en se matérialisant dans l’oeuvre.
Partie 2
a
Toutefois, définir l’utilité de l’art à partir du seul regard de l’artiste est réducteur. Il devient en ce sens possible de penser que l’art peut avoir une utilité pour le regard du spectateur. L’art est en effet utile dans la mesure où il cause le plaisir de celui qui le contemple.
b
Il est en outre précieux parce qu’il conduit celui qui contemple à s’interroger lui-même sur ce que représente l’oeuvre qu’il contemple, ce qui ne lui donne pas nécessairement accès à une signification objective, mais lui permet tout au moins de découvrir un objet artistique qui le renvoie à sa propre façon d’envisager le monde autour de lui, afin notamment de trouver des explications de l’oeuvre.
c
Enfin, il apparaît clairement que l’oeuvre instaure un rapport nouveau à autrui : l’art permet au spectateur de découvrir un univers de pensée et de création avec lequel il dialogue et qui le fait progresser dans sa propre culture et dans sa façon d’envisager son interprétation du monde.
Partie 3
a
Au-delà même de cette utilité esthétique et même de la fonction cognitive du rapport du spectateur à l’oeuvre, l’art semble également doté d’une fonction éthique. S’il peut en ce sens apparaître inutile de contempler une oeuvre tant son message peut être difficile à appréhender,
b
il serait faux de s’en tenir à cette stérilité de l’oeuvre, qui ne traduit en fait que la stérilité de celui qui ne parvient pas vraiment à s’interroger sur l’oeuvre.
c
Dès lors, l’utilité particulière de l’art se comprend comme un rejet du sens habituel de l’utilité (l’art n’est pas un instrument dont pourrait se servir le spectateur) qui est la condition d’existence d’une utilité seconde (l’art conduit l’individu à s’interroger sur son rapport aux choses, ce qui revient à donner aux choses une existence propre, indépendamment de l’utilité que l’homme peut y trouver dans un rapport instrumental).