Kant, critique de la raison pure (extrait)

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L'analyse du professeur


L’impératif catégorique de Kant est une des théories morales les plus discutées à l’époque contemporaine, dans la mesure où il s’agit d’une tentative pour justifier rationnellement la responsabilité morale de l’individu, s’affranchissant en cela des traditions religieuses et s’efforçant d’être conforme aux caractéristiques de l’homme des droits de l’homme. Dans le texte qui est soumis à notre étude, Kant va tenter de montrer que l’évaluation de la responsabilité morale de l’individu repose sur un système d’explication causale qui paradoxalement ne disculpe pas l’individu de sa responsabilité, mais lui donne les moyens de l’assumer. Le problème est alors de savoir si le fait de remarquer que l’homme est souvent déterminé par des circonstances extérieures à lui n’est pas au contraire une manière de lui ôter une part de sa responsabilité intérieure. Nous chercherons tout d’abord à comprendre quelles sont ces causes extérieures pesant sur la responsabilité individuelle. Puis nous tenterons de comprendre en quoi ces circonstances ne disculpent jamais un homme toujours doté de liberté morale.

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

« Qu'on prenne un acte volontaire, par exemple un mensonge pernicieux, par lequel un homme a introduit un certain désordre dans la société, dont on recherche d'abord les raisons déterminantes, qui lui ont donné naissance, pour juger ensuite comment il peut lui être imputé avec toutes ses conséquences. » Kant indique ici une méthode d’évaluation d’une faute. Il montre ainsi que le critère d’évaluation dépend des causes et non des conséquences, ou plus exactement que le jugement que nous portons sur une faute morale ne dépend pas exclusivement des conséquences négatives d’un acte, mais plutôt et d’abord de l’intention de celui qui a agi. Se dégage ici une théorie de la responsabilité, qui dépend du degré d’imputation possible d’une conséquence. Autrement dit, un homme ne peut être responsable d’une chose qui arrive indépendamment de sa volonté, et indépendamment du fait de pouvoir le prévoir.

b

« Sous le premier point de vue, on pénètre le caractère empirique de cet homme jusque dans ses sources que l'on recherche dans la mauvaise éducation, dans les mauvaises fréquentations, en partie aussi dans la méchanceté d'un naturel insensible à la honte, qu'on attribue en partie à la légèreté et à l'inconsidération, sans négliger les circonstances tout à fait occasionnelles qui ont pu influer. » La recherche des causes d’un acte apparaît donc comme première dans l’évaluation de la responsabilité de l’auteur de cet acte. En ce sens, plusieurs causes peuvent concourir à la réalisation de cet acte, et il convient également d’en distinguer les modalités. Kant propose ainsi de séparer ce qui tient à une mauvaise orientation du jugement et de la volonté (l’éducation et les fréquentations sont les éléments essentiels qui permettent de saisir ce qui détermine un individu dans son jugement), de ce qui tient à une sensibilité particulière (les caractéristiques subjectives qui constituent mon caractère à la différence d’un autre homme), de ce qui tient enfin aux circonstances occasionnelles (c’est-à-dire ce qui, dans une situation particulière, m’influence, parfois contre mon propre caractère et contre mes principes de jugement et de détermination).

c

« Dans tout cela, on procède comme on le fait, en général, dans la recherche de la série des causes déterminantes d'un effet naturel donné. » La méthode est donc complexe : elle doit parvenir à distinguer non seulement les types de causes à l’œuvre dans un acte, mais également la pondération de ces causes, c’est-à-dire le rôle exact qu’elles jouent parmi les autres causes, leur poids dans la réalisation de l’acte. C’est donc un raisonnement logique qui permettra de justifier l’évaluation que l’on fait de la responsabilité morale d’un acte.

Partie 2

a

« Or, bien que l'on croie que l'action soit déterminée par là, on n'en blâme pas moins l'auteur, et cela, non pas à cause de son mauvais naturel, non pas à cause des circonstances qui ont influé sur lui, et non pas même à cause de sa conduite passée ; » Il ne faudrait toutefois pas inférer de la complexité de la responsabilité que l’individu est agi par les diverses causes qui permettent d’expliquer la réalisation de son acte. Si les causes sont effectivement de différentes origines, elles n’en restent pas moins imputables au seul et unique sujet qui agit, qui reste responsable des différentes causes qui le portent à agir : cela signifie que l’homme a toujours le choix de prendre conscience et de s’opposer aux causes qui le déterminent. Il n’est donc jamais simplement passif.

b

« car on suppose qu'on peut laisser tout à fait de côté ce qu'a été cette conduite et regarder la série écoulée des conditions comme non avenue, et cette action comme entièrement inconditionnée par rapport à l'état antérieur, comme si l'auteur commençait absolument avec elle une série de conséquences. Ce blâme se fonde sur une loi de la raison où l'on regarde celle-ci comme une cause qui a pu et a dû déterminer autrement la conduite de l'homme, indépendamment de toutes les conditions empiriques nommées. » La responsabilité active de l’homme se situe donc dans le fait qu’il a toujours la possibilité de s’affranchir de ce qui le détermine, et d’agir librement. Les causes qui le déterminent sont certes de différents ordres, et parfois très pesantes pour le pousser dans une direction. Sa raison est cependant une capacité de choix, qui lui permet de suspendre la direction de sa volonté, et de refuser de plier ou d’obéir à telle ou telle cause.

c

« Et on n'envisage pas la causalité de la raison, pour ainsi dire, simplement comme concomitante, mais au contraire, comme complète en soi, quand même les mobiles sensibles ne seraient pas du tout en sa faveur et qu'ils lui seraient tout à fait contraires ; l'action est attribuée au caractère intelligible de l'auteur : il est entièrement coupable à l'instant où il ment ; par conséquent, malgré toutes les conditions empiriques de l'action la raison était pleinement libre, et cet acte doit être attribué entièrement à sa négligence. » La responsabilité tient donc au caractère intelligible de l’homme, c’est-à-dire au fait que l’homme a une conscience de soi, et ne se détermine qu’en fonction de cette conscience, c’est-à-dire en fonction de motifs intellectuels et rationnels. Son choix se détermine donc au-dessus des circonstances et des conditions extérieures : il répond à des motivations intérieures et rationnelles. L’hommh a ainsi toujours conscience du bien et du mal, quand bien même il ne cesse de chercher des excuses extérieures à ses actes.