Kant, La religion dans les limites de la simple raison

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L'analyse du professeur


Dans le Tartuffe, Molière raillait les faux dévots, et leur capacité à imiter le comportement d’un homme de bien pour parvenir à la considération sociale. Il posait ainsi le problème de savoir quel est le rapport de l’homme à la croyance religieuse. L’ambiguïté de sa dénonciation reposait sur le fait qu’il ne critiquait pas fondamentalement la vrai croyance, sincère, mais mettait plutôt au jour l’hypocrisie d’une croyance factice. Kant, d’une certaine manière, aborde ce problème, dans ce texte tiré dans La religion dans les limites de la simple raison. Il défend en effet la thèse selon laquelle la croyance religieuse ne se fonde pas sur une vérité extérieure à l’homme, mais plutôt sur sa propre capacité à reconnaître la loi morale qui existe naturellement en lui. Il pose ainsi le problème des modalités de reconnaissance de cette loi. Comment l’homme en vient-il à reconnaître la vérité de Dieu en lui-même ? Nous nous efforcerons de montrer que le texte débute par une explication des rituels religieux, qui montre implicitement que de tels rituels seraient vains sans une vraie croyance. Nous en viendrons donc ensuite à analyser ce qu’il entend par une telle croyance, que l’homme porte naturellement en lui dès son enfance et qui est une règle essentielle de l’humnanité. Nous pourrons enfin saisir de quelle manière Kant préconise le respect de la loi morale.

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

Qu'est-ce donc, au demeurant, la religion ? La religion est la loi présente en nous pour autant qu'elle reçoit son poids d'un législateur et juge au-dessus de nous (...). Kant souscrit ici à la présentation classique de la religion, selon laquelle la croyance serait fondée sur la présence en nous d’une vérité supérieure, c’est-à-dire d’une loi qui viendrait d’une Dieu législateur, qui a fixé les règles du comportement moral. Il faut toutefois insister sur le « en nous », par lequel Kant marque spécifiquement le fait que la loi morale dépend de chacun, et n’est pas une soumission à un arbitraire extérieur.

b

Chants de louange, prières, fréquentation de l'église ne sont destinés qu'a donner à l'homme des forces nouvelles, un courage neuf pour s'amender, ou a servir d'expression a un coeur animé de la représentation du devoir. Les rituels ne sont donc pas des liens extérieurs, par lesquels l’homme pourrait manifester sa foi, mais des moyens pratiques qui sont à sa disposition pour le conforter et l’affirmer dans une foi qu’il possède déjà en lui-même, en raison de la certitude morale du devoir. La foi dépend donc d’une « représentation » que possède l’homme en lui-même, indépendamment de l’organisation de tel ou tel rituel.

c

Elles ne sont que préparations à des oeuvres de bien, mais non oeuvres de bien elles-mêmes, et l'on ne saurait se rendre agréable à l'Être suprême qu'en devenant meilleur. Les rituels sont donc sans effets sur le Dieu, puisque seul le fait de respecter la représentation du devoir a un sens. Les rituels ne sont donc pas des finalités morales, ou des causes de la bonté de l’homme, mais des aides pratiques que l’homme définit afin de se renforcer dans sa croyance.

Partie 2

a

Il faut commencer auprès de l'enfant par la loi qu'il porte en lui. Dire que l’enfant possède la loi morale en lui signifie que cette loi est naturelle et intime, c’est-à-dire qu’elle existe sans que l’homme le choisisse, qu’elle est portée de façon naturelle par tout homme.

b

L'homme perdu de vices est méprisable à ses propres yeux. Il est possible de vérifier que l’enfant porte une telle loi dans la mesure où il a déjà la capacité de juger le comportement de l’homme vicieux, c’est-à-dire qu’il sait par nature distinguer le bien du mal, sans avoir eu besoin des rituels, ou de comprendre l’interprétation d’un texte religieux.

c

Ce mépris a son fondement en l'homme même, et il n'en est nullement ainsi parce que Dieu a interdit le mal. La loi morale est donc une règle naturelle de l’homme qui préexiste à la croyance religieuse elle-même. Il ne faut bien sûr pas opposer les deux, puisque le Dieu incarne la vérité nécessaire d’une loi morale ressentie subjectivement, mais la raison de la croyance est subjective et ne dépend pas du fait que Dieu l’ai consignée dans un texte religieux comme la Bible.

Partie 3

a

Point n'est besoin en effet que le législateur soit en même temps l'auteur de la loi. Ainsi un prince peut dans son pays interdire le vol sans qu'on puisse parler de lui comme de l'auteur de l'interdit de voler. La thèse de Kant se fait ici très radicale : elle conduit à penser que Dieu n’est pas l’auteur de la loi morale, mais qu’il ne fait que l’incarner. Comment expliquer cette loi alors ? Qui en est l’auteur ? La thèse implicite de Kant est ici que la règle morale est une règle nécessaire de l’humanité, que Dieu n’a voulue ainsi que parce qu’elle s’imposait en fonction de la nature humaine. En ce sens, Dieu n’aurait pas pu vouloir la morale autrement qu’elle n’est, parce que la morale dépend de la nature des hommes, et de ce qu’il faut faire pour qu’ils agissent bien.

b

L'homme puise à cette source la claire vision que sa bonne conduite seule le rend digne du bonheur. La morale permet à l’homme d’être heureux, ce qui revient à dire que la morale est un guide de vie qui permet d’atteindre le bonheur (et non simplement le plaisir, qui n’est que factuel et éphémère).

c

La loi divine doit apparaître en même temps loi naturelle, car elle n'est pas arbitraire. De la vient que la religion entre dans la moralité. Il faut donc inverser le rapport classique de la religion et de la moralité. La religion ne définit pas la moralité, mais elle n’est religion que parce qu’elle parvient à s’inscrire dans la moralité. En ce sens, la loi morale est une loi nécessaire de l’humanité, et la religion est une institution qui incarne sur terre cette loi morale pourtant déjà présente en chacun.