Fonder le droit sur la force ou faire respecter le droit par la force, cela revient-il au même ?

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L'analyse du professeur


Cette question semble appeler une réponse simple dans la mesure où nous aurions spontanément tendance à dire que la force doit faire respecter le droit sans pour autant le fonder puisque la force n’est pas forcément juste. Cela revient donc à poser la question de ce qui peut et doit fonder le droit. Or, si nous considérons traditionnellement que c’est la justice qui doit faire la loi, en l’absence d’une définition partagée de la justice parmi les membres d’une société (surtout démocratique), on se retrouve sans possibilité de juger et donc sans norme du droit. Le droit apparaît alors non seulement comme arbitraire mais en outre comme impuissant puisque tout le monde peut s’y opposer. Pour éviter l’anarchie, cela reviendrait alors à émettre la possibilité de fonder le droit sur la force puisqu’à défaut de justice, il convient de faire en sorte que le droit appartienne au plus fort car il peut faire respecter la même loi à tous. Mais cette solution apparaît comme peu satisfaisante puisqu’elle entre en contradiction avec notre exigence de justice. N’y a-t-il donc aucun moyen de sortir de cette contradiction fatale pour la société des hommes ?

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Plan proposé

Partie 1

a

Si nous suivons une conviction morale naturelle, il nous semble normal que la force ne soit qu’un auxiliaire du droit. En effet, le droit désigne un ensemble de lois qui ont pour fonction de permettre aux hommes de vivre ensemble.

b

À cet égard, le droit s’appuie sur la force, alors conçue comme un moyen de faire respecter une conception légale de la justice.

c

Cela suppose donc que la force n’est légitime que dans la mesure où elle se fonde sur conception de la justice partagée par tous les hommes.

Partie 2

a

Néanmoins, en pratique, il n’est pas si évident de trouver une norme partagée de justice. En effet, que la justice se fonde sur la souveraineté populaire (démocratie), sur la compétence de certains (aristocratie) ou d’un seul (monarchie), ou qu’elle ait recours à une justification transcendante (Dieu dans une conception théocratique par exemple), il n’est pas certain que tous les individus en acceptent l’expression légale.

b

Dès lors, la force qui permet de faire respecter le droit devient violence exercée contre l’individu qui n’en comprend pas la légitimité.

c

Il apparaît ainsi que la force devient le fondement du droit puisqu’elle seule a la capacité de faire taire les conflits entre les hommes.

Partie 3

a

Tout le problème d’une telle conception est que la force n’apparaît plus comme juste. En effet, la loi risque ainsi d’apparaître arbitraire à chacun dès qu’elle s’applique puisqu’elle ne peut résorber l’écart entre une conception légale de la justice nécessaire à la société dans son ensemble et une conception morale de la justice propre à chaque individu.

b

En outre, le plus fort n’est jamais assez fort et la force légale du pouvoir devient de moins en légitime aux yeux des individus.

c

En ce sens, il apparaît que la force n’est jamais un fondement suffisant du droit et que le droit ne peut se dispenser d’un usage légitime de la force, c’est-à-dire que le droit doit chercher les moyens d’apparaître comme légitime, ce qu’il semble ne pouvoir faire que dans l’espace d’un régime démocratique où chacun est le fondement du pouvoir.