Est-on fondé à distinguer les bons des mauvais désirs ?

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L'analyse du professeur


La distinction entre désir et besoin est un préalable à la compréhension de ce sujet. Le besoin est la marque d’une dépendance animale à l’égard d’une chose nécessaire au maintien de l’existence, ce qui revient à dire que nous ne choisissons pas les objets des besoins mais ces objets s’imposent à nous (nous en avons besoin). À l’inverse, le désir procède d’une représentation mentale d’une chose comme désirable, en ce qu’elle convient à l’idée que nous avons de nous-mêmes et que nous nous faisons des choses et de leur rapport à ce que nous sommes. Cette distinction permet donc de montrer que le désir semble bon ou mauvais en fonction de la pertinence de ce qui est représenté, et dans la mesure où ce qui est représenté a des chances de réussir ou d’échouer. Dès lors, il semble que l’évaluation morale du désir (le fait qu’il soit jugé bon ou mauvais) est relative aux conditions de réalisation du désir et aux conséquences d’une telle réalisation pour celui qui désire (ai-je des chances de satisfaire mon désir et cette réalisation est-elle dangereuse pour moi ?). Autrement dit, le fait que le désir soit bon ou mauvais dépend de notre capacité à nous représenter ce qui serait bon pour nous, ce qui revient concéder que toute évaluation du désir est subjective, c’est-à-dire purement relative à chacun. Toutefois, il semble également qu’un homme n’est jamais un être purement singulier (isolé du monde qui l’entoure), et qu’il partage avec ses congénères un certain nombre de caractéristiques communes. Ce constat conduirait alors à dire que les désirs ne sont pas purement subjectifs mais s’inscrivent par ailleurs sur une échelle objective de valeur qui dépend de la définition de l’homme en tant qu’homme. C’est à la résolution de ce paradoxe, entre ce qui est proprement individuel et ce qui est commun, que la question des bons et mauvais désirs semble suspendue.

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

Il peut sembler de prime abord que nous n’avons pas vraiment de contrôle sur les objets de nos désirs et que le désir est un principe d’aliénation de la liberté mauvais par lui-même en tant qu’il réduit à néant la liberté.

b

En outre, au-delà de l’objet du désir lui-même, le désir appauvrit le monde de celui qui désire, pour qui le choses n’ont plus de sens que par rapport aux objets de son désir.

c

Enfin, tout désir frustre l’homme, non seulement parce que le fait de ne pas réussir à le réaliser l’attriste, mais également parce que le fait même de le réaliser correspond à une mutation du désir, qui ne se contente jamais de la possession mais discrédite rapidement son objet pour se reporter vers un objet nouveau qui devient le seul but de ses préoccupations.

Partie 2

a

Toutefois, il faut opposer à cela le fait que nous existons toujours dans un monde et que c’est la valeur du désir qui fait l’importance de notre existence. En effet, renoncer à nos désirs serait illusoire parce que c’est par le désir que nous nous intéressons aux choses, que nous leur donnons un sens et que nous les envisageons.

b

En outre le désir, au-delà de la signification qu’il donne aux choses, permet d’organiser sa propre vie, et de trouver une façon d’agir et de vivre, c’est-à-dire de posséder un critère de valeur nécessaire à une existence pleine et réussie.

c

Enfin, le désir ne peut être néfaste que pour celui qui ne parvient pas à en évaluer le degré d’aliénation et à en connaître le risque, ce qui revient à prôner une distinction possible entre bons et mauvais désirs à partir de notre capacité en prendre conscience et à les réaliser.

Partie 3

a

Dès lors, il semble même nécessaire de changer de façon d’appréhender le désir. Si nous constatons que les représentations que nous avons des objets de nos désirs sont illusoires et que ce qui fait la valeur du désir n’est pas tant l’objet que le désir lui-même (c’est-à-dire le fait de désirer et non le fait d’obtenir ou non l’objet du désir),

b

nous sommes alors fondés à penser que tous les désirs ne sont par eux-mêmes ni bons ni mauvais, et dépendent de l’usage et de la valeur que nous leur accordons.

c

En ce sens, nous ne devons pas tant distinguer les bons des mauvais désirs que distinguer les désirs réels des désirs fictifs, c’est-à-dire les désirs qui ont réellement de la valeur (parce qu’ils donnent du sens à notre vie et à nos valeurs) des désirs inauthentiques, qui ne nous correspondent pas et nous éloignent de ce que nous sommes.