L'analyse du professeur
Le mépris peut avoir deux significations assez proches. D’une part, il s’agit d’un sentiment par lequel on juge une personne indigne d’égards, d’estime, d’attention, de considération, sentiment par lequel on ne fait aucun cas d’une chose. D’autre part, le mépris est aussi un sentiment par lequel on s’élève au-dessus de ce que redoutent les hommes ou de ce qui les attire (le mépris du danger par exemple). Le fait de mépriser autrui semble procéder du premier sens et devoir être nécessairement condamné moralement. En effet, ne pensons-nous pas que tout homme est digne d’attention et de valeur ? Au nom de quoi pouvons-nous nous autoriser à mépriser autrui ? Tout le problème sera donc de comprendre ce qui justifie le mépris, c’est-à-dire de s’interroger si la nature de la morale afin de savoir si elle interdit par principe le mépris de l’homme et donne à l’humanité une valeur absolue.
Ce sujet recouvre donc un paradoxe initial : le fait que le mépris permette de s’affirmer contre les dangers extérieurs en montre la valeur constitutive (le mépris désigne ainsi le courage de celui qui ose s’affirmer et ne recule pas devant ce qui lui est le plus intime), mais entre en contradiction avec le fait que le mépris a bien souvent des conséquences détestables, puisqu’il manifeste en même temps l’orgueil ou la prétention de celui qui s’affirme sans respecter ce à quoi il se mesure.
[...]
Plan proposé
Partie 1
a
Le mépris semble découler naturellement de l’attitude de l’homme qui a besoin de croire que ce qu’il fait est bon, c’est-à-dire qu’il possède un jugement moral pertinent et qu’il peut ainsi se fier à son jugement pour agir de façon juste et défendre ses valeurs.
b
En ce sens, celui qui méprise rejette les valeurs des autres et considère qu’ils s’opposent injustement à lui.
c
Dès lors, si la dévalorisation des autres est la conséquence de la valorisation de soi, le mépris n’est pas une attitude détestable par elle-même : le mépris est le propre au contraire de celui qui est engagé, et qui défend une morale et ne se contente pas de la position nihiliste du rejet.
Partie 2
a
Toutefois, le fait que ce mépris moral est ancré sur un jugement individualiste pose problème, en ce qu’il pose l’individu comme le seul fondement de ses critères de valeurs, au prix parfois d’une opposition problématique à la morale du plus grand nombre.
b
Le mépris est-il encore défendable lorsqu’il conduit l’individu à s’affirmer contre une conception collective de la moralité ? L’isolement de l’individu paraît au contraire n’être que le fruit d’une erreur de jugement d’autant plus dommageable qu’aucun argument ne semble pouvoir convaincre celui qui méprise, puisqu’il s’enferme dans la conviction que ses valeurs sont les plus élevées.
c
Dès lors, le mépris est immanquablement immoral dans la mesure où une morale qui ne serait pas définie de façon altruiste n’est que vainement morale, puisqu’elle ne fait que confirmer l’individu dans sa solitude et son égoïsme.
Partie 3
a
À cet égard, nous pouvons essayer de combler le fossé entre morale individuelle et morale collective en montrant que la morale individualiste est incohérente dès l’instant où elle pense l’individu comme radicalement indépendant des autres. La seule morale cohérente est celle qui exige que l’on considère l’autre comme autre soi-même.
b
Dès lors, si la dignité humaine s’impose par principe, c’est d’abord parce que la reconnaissance de l’autre est la condition de la reconnaissance de moi-même en tant qu’humain, c’est-à-dire en tant que je possède une dignité fondée sur mon droit à affirmer des valeurs propres.
c
En outre, le fait de respecter l’autre découle du fait que cet autre est également celui qui assure les conditions de mon développement et de mon bien-être. Le mépris est donc immoral tant en un sens collectif qu’en un sens individualiste.