L'analyse du professeur
Ce sujet porte sur les différences qui caractérisent les deux termes opposés que sont l’opinion et la connaissance. L’opinion semble tenir du préjugé dans la mesure où il s’agit d’une affirmation sans fondement prouvé. Autrement dit, l’opinion consiste à dire une chose dont l’esprit n’est pas sûr, qu’il n’est pas à même d’avérer par lui-même. En ce sens, l’opinion revient à relayer un discours non vérifié au sujet d’une chose. Lorsque nous affirmons une opinion, nous faisons une hypothèse qui nous semble crédible parce qu’elle s’impose à notre esprit comme justifiée sans pour autant que nous ayons les moyens de la vérifier. L’opinion peut donc provenir de ce que l’esprit pense spontanément, ou encore de ce à quoi l’esprit adhère parce que cela lui semble vraisemblable (d’où le fait que l’opinion vient souvent d’un discours communément admis et que l’on apprend des autres). À l’inverse, la connaissance tient du savoir, c’est-à-dire qu’elle suppose la capacité pour l’esprit de prouver ce qu’il avance, de posséder suffisamment de raisons pour admettre comme vraie l’affirmation qu’il fait. À cet égard, la connaissance dépend d’une démonstration rationnelle, mobilise des preuves logiques et empiriques.
Le problème de ce sujet est donc celui de savoir de quelle manière l’esprit est conduit, à partir d’une hypothèse insuffisamment prouvée, à construire un discours de vérité ayant pour but d’étayer cette hypothèse. Cependant, il paraît assez rapidement difficile de passer de l’opinion à la connaissance dans la mesure où l’analyse précise des propriétés des deux modes de discours conduit à nuancer leur opposition. En effet, toute opinion repose sur une forme de savoir provisoire, vraisemblable et supposé vérifiable. À l’inverse, toute connaissance dépend de la validité, de la pertinence des preuves qui l’étaye. Dès lors, l’opinion est peut-être plus solide qu’elle n’y paraît et la connaissance plus fragile qu’elle ne le laisse d’abord entendre.
[...]
Plan proposé
Partie 1
a
Il est d’abord, semble-t-il, possible de séparer opinion et connaissance. En effet, la connaissance se veut fondée, c’est-à-dire qu’elle est censée être appuyée par des preuves connues et objectives.
b
Cette différence permet alors de montrer que l’on passe de l’opinion à la connaissance dès l’instant où l’on cherche à connaître les preuves de ce qui est supposé par l’opinion.
c
L’opinion devient donc définitivement connaissance lorsque l’esprit est en mesure de progresser, c’est-à-dire de justifier l’opinion par un raisonnement logique et argumenté.
Partie 2
a
Mais, cette progression de l’opinion à la connaissance peut être mise en question du fait de la fragilité du raisonnement prouvant l’hypothèse. En effet, il convient d’abord de remarquer qu’aucune opinion n’est purement arbitraire mais repose elle-même sur une forme de savoir qui fait que l’esprit peut y croire.
b
Et il est possible de confronter la validité de cette forme de savoir au fait que la connaissance mobilise des preuves qui n’ont pas toujours un degré de crédibilité parfait (selon l’interprétation que nous en faisons et au regard des nouvelles preuves qui peuvent faire douter de ce que l’on a tenu pour vrai).
c
Dès lors, peut-être faut-il relativiser la connaissance pour concéder que le passage de l’opinion à la connaissance n’est pas si progressif. Nous en arrivons donc à penser qu’il n’y a pas tant une amélioration objective de l’opinion à la connaissance, et à reconnaître que cette amélioration est essentiellement subjective puisque la connaissance n’est souvent qu’une opinion accompagnée d’un degré de croyance plus fort que l’opinion, ce qui ne signifie rien du point de vue de sa vérité propre.
Partie 3
a
Plus profondément même, il apparaît que la frontière subjective entre connaissance et opinion n’est pas évidente. En effet, non seulement, dans la pratique, je ne suis pas sûr que la connaissance puisse être fondamentalement plus forte que l’opinion,
b
mais en plus on peut en arriver à l’idée que toute connaissance est le résultat d’une construction subjective qui n’a valeur de vérité qu’à mes yeux.
c
Dès lors, il n’y a pas tant, dans le passage de l’opinion à la connaissance, une amélioration du degré de vérité ou même du degré de croyance, mais seulement un type de discours différent. Autrement dit, il n’y aurait de connaissance distincte de l’opinion qu’au prix d’une croyance totalement illusoire selon laquelle l’homme serait en mesure de définir la vérité des choses. Le passage de l’opinion à la connaissance est donc plus une transposition qu’une progression dans le vrai.