Ce qui est flagrant est-il vrai ?

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L'analyse du professeur


Nous pouvons considérer le vrai comme ce qui est jugé exact par l’esprit, c’est-à-dire qu’une chose est vraie si elle apparaît conformément à l’idée que l’esprit s’en fait. La vérité est donc une forme d’adéquation entre l’expérience des choses et les idées de l’esprit. À cet égard, ce qui est flagrant, c’est-à-dire est évident, saute aux yeux ne correspond pas nécessairement à l’idée que l’esprit peut avoir. Nous ne choisissons pas ce qui s’impose à notre vue et ce que nous voyons peut nous sembler absurde par rapport à ce que nous pensons. Néanmoins, ce que nous pensons est également très largement déterminé par la force de ce qui s’impose à nous. L’esprit ne pense, nous semble-t-il, que par rapport à ce qui s’impose à lui, c’est-à-dire aussi bien par ce que l’expérience sensible nous communique comme impressions que parce que nous ressentons et pensons de façon presque immédiate et involontaire. Dès lors, le paradoxe de ce sujet tient au fait que ce qui est flagrant ne résulte pas d’un travail de l’esprit et semble par là douteux, alors même qu’il s’impose avec la force de l’évidence qui le donne pour vrai et indubitable. Comment ce qui est flagrant peut-il à la fois sembler si vrai et n’avoir qu’aussi peu de rapport avec un travail de l’esprit qui conduirait au vrai ?

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

Nous pouvons tout d’abord faire confiance à ce qui est flagrant puisque cela s’impose à notre esprit sans que nous puissions en faire l’économie. En ce sens, nous pouvons croire que le flagrant est vrai parce qu’il se joue à trois niveaux. Il peut résulter de l’évidence sensorielle que nous ne pouvons contester parce que nous la voyons

b

ou de la répétition d’évènements que notre esprit à l’habitude de relier et d’assimiler grâce à la mémoire

c

ou enfin de ce que nous ressentons de façon claire et indiscutable.

Partie 2

a

Il faut toutefois constater que, dans ces trois cas, ce qui est flagrant s’impose sans que nous en disposions, c’est-à-dire sans analyse véritable. Le flagrant fait donc toujours passer ce qui est insuffisamment fondé pour indubitable aux yeux de l’esprit, ce qui est d’autant plus dangereux qu’il éloigne l’esprit de la méthode du vrai. Non seulement, nous ne cherchons à produire aucune analyse de ce qui s’impose,

b

mais nous n’opérons aucune mise en perspective ou comparaison critique

c

et nous identifions ainsi le vrai à l’immédiat, ce qui nous rend de plus en plus difficilement attentifs.

Partie 3

a

Nous parvenons donc à remarquer que la recherche du vrai, loin d’être une croyance en ce qui est flagrant, nécessite une formation de l’esprit critique qui condamne toute immédiateté. Il convient, à cet égard, de remarquer que ce qui est flagrant condamne à une fausse transparence, c’est-à-dire à une apparence trompeuse,

b

qui suscite en outre une imagination et des fausses associations d’idées qui sont sans rapport avec le concret

c

et conduit l’esprit à s’enfermer dans un système faussé de représentation de la réalité, système composé à la fois d’erreurs, de préjugés et de raccourcis au moyen desquels l’esprit finit par projeter ses propres représentations en lieu et place du réel.