Annales BAC 2009 - La technique s’oppose-t-elle à la nature ?

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L'analyse du professeur


Pinocchio est vraisemblablement un des automates les plus célèbres de l’histoire des contes pour enfants. Ses attitudes comme ses rêves en font également l’image paradigmatique des doutes et des peurs infantiles, à tel point que nul ne songerait à le reléguer au rang des bouts de bois juxtaposés qui le construisent pourtant. Le nez de Pinocchio a fait oublier son inhumanité. Pourtant, la technique ne cesse d’être opposée à la nature, de Frankenstein à Terminator, en passant par Mr Hyde. La technique, considérée comme l’ensemble des applications pratiques permises par le progrès scientifique, doit-elle en ce sens être strictement opposée à ce qui existerait spontanément dans l’ordre des choses ? Si l’opposition est commode, dès l’instant où l’artifice qu’invente l’homme paraît être une nouveauté radicale par rapport à l’ensemble des choses qui existent naturellement, elle semble en revanche fragile, si l’on considère que l’ensemble des inventions techniques ne sont somme toute que des combinaisons différentes de choses naturelles. Faut-il alors opposer la nature et la technique, attendu du reste que la technique est elle-même une capacité naturelle de l’homme ? Nous tenterons tout d’abord de montrer que la technique s’oppose à la nature puisque l’ensemble des critères de sa définition en fait un processus étranger aux conditions naturelles de l’existence. Nous en viendrons toutefois à douter de cette opposition, puisque la technique n’est en réalité qu’une dynamique de changement de choses naturelles, qui n’en modifie pas radicalement la nature. Il nous faudra cependant reconsidérer le statut de la technique, puisque les modifications qu’elle fait subir à la nature ont désormais pour conséquence de modifier l’essence des choses naturelles.

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Plan proposé

Partie 1 : La technique, un complément de la nature.

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La technique procède de l’artifice puisqu’elle dépend fondamentalement d’un art ou d’une science strictement humains. Elle est en effet la réalisation matérielle d’une chose conçue de façon ad hoc parce qu’elle n’existait justement pas de façon naturelle.

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Outre que la technique conçoit ce que la nature ne donne pas par elle-même, elle s’offre même à comprendre comme une trahison de la nature, dont elle ne respecte pas les conditions d’existence. La technique permet ce que la nature ne s’autorise pas elle-même.

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La technique est enfin radicalement étrangère à la nature, puisqu’elle peut en modifier durablement l’ordre et l’équilibre. Assignée à certaines formes d’existence par la technique, la nature n’a donc plus le choix de son être, et se trouve donc profondément contrainte en son identité propre.

Partie 2 : La nature de la technique.

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Une telle vision de la technique ignore cependant que la technique est une propriété naturelle de l’homme, puisqu’elle est le seul moyen dont il dispose pour se développer. À cet égard, l’opposition entre nature et technique peut se révéler trompeuse, et la technique peut apparaître comme l’auxiliaire indispensable de la nature.

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Il convient ainsi de distinguer la nature originaire de la nature telle qu’elle existe, afin d’accepter le fait que la nature originaire n’est peut-être qu’un mythe facilitant les discours idéologiques sur le rapport de l’homme à la nature.

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En ce sens, la nature n’est qu’une longue série d’être en puissance technique, dont les conditions d’existence comme les conditions de survie dépendent fondamentalement du progrès des sciences et de l’application des sciences.

Partie 3 : La technique, une surnature.

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Voir la technique comme une seconde nature, non seulement de l’homme mais également de toutes choses, est toutefois peut-être excessif, puisqu’une telle vision conduit à ignorer fondamentalement le fait que ce n’est plus la nature qui se trouve alors dotée du pouvoir de décision, mais la technique elle-même.

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À cet égard, la technique, en prenant possession des exigences mécaniques et des exigences finales propres à la production d’une chose, devient une puissance autonome qui s’arrache aux choses naturelles et les modifie sans retour possible. Cette indépendance en fait une force radicalement artificielle, dont il est possible de penser que nul (homme ou chose) ne peut s’y opposer sans en ruiner la logique et le fonctionnement.

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Dès lors, il convient d’accepter le pouvoir inédit de la technique, qui n’est ni naturel, ni parfaitement complémentaire du naturel, mais est progressivement devenu un outil indispensable du développement humain. Autrement dit, la technique s’oppose à la nature parce que la nature est progressivement devenue une ressource première de la technique, qui s’efface au fur et à mesure qu’elle fournit à la technique les moyens de ses besoins.