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Docteur Jekyll et Mister Hyde raconte le dédoublement mystérieux de la personnalité d’un médecin qui subit les effets dévastateurs d’un médicament ayant pris le contrôle de son équilibre physiologique. Versant dans l’outrance de ce dédoublement, la fiction semble participer d’un univers fantastique dont chacun serait naturellement préservé, si tant est qu’un médicament ne modifie pas son équilibre physiologique. Pourtant, ce qui a pu faire le succès de cette fiction est la fascination exercée par le comportement immoral de Hyde, qui devient le paradigme de celui qui assume les pulsions les plus noires de l’âme de Jekyll, au point que plus personne ne peut reconnaître le bon docteur. Se pose ici la question du rapport entre la connaissance d’autrui et la connaissance de soi-même. On suppose habituellement que chaque individu a une bonne connaissance de soi, puisqu’il a conscience intimement de ce qu’il est. Pourtant, comme dans le cas de Jekyll, il n’est pas certain que tout individu se rende parfaitement compte des pulsions qui l’animent, et c’est souvent sous le coup du jugement d’autrui que l’on en vient à réaliser ce que nous sommes. Un paradoxe apparaît ainsi, puisque l’intimité du rapport à soi paraît garantir la précision du regard sur soi, tout en risquant de ne pas permettre de posséder un recul critique nécessaire pour être lucide à propos de soi. Dans quelle mesure la conscience individuelle garantit-elle la possibilité d’une distance d’analyse à l’égard de soi-même ? Nous nous attacherons tout d’abord à montrer qu’il découle de la définition de la conscience de soi qu’il serait plus facile de se connaître soi-même que de connaître autrui (I). Néanmoins, nous apercevrons les limites de cette perspective, en mettant au jour le rôle de l’inconscient et de la mauvaise foi, qui sont autant de manières de désigner la difficulté d’une distance critique à l’égard de l’intime (II). Nous en viendrons alors à comprendre qu’il n’est pas pour autant plus facile de connaître autrui que de se connaître soi-même, mais que ces connaissances portent plutôt sur des objets différents (III).
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