L'analyse du professeur
Il est habituel de distinguer le travail intellectuel du travail manuel, en tant que le premier porterait sur des idées et des théories, alors que le second aurait pour objet de transformer les choses, d’agir concrètement. Cette opposition aurait donc pour objet d’opérer une distinction factuelle de nature, sans pour autant engager une distinction de valeur. Rien en effet n’implique la dévalorisation du travail manuel au profit du travail intellectuel. Pourtant, la pénibilité du travail manuel, qui passe par la force du corps et par l’exercice physique, semble réciproquement impliquer la valeur du travail intellectuel, qui mobilise l’esprit mais laisse le corps en paix et semble alors moins aliénant. L’opposition entre travail manuel et travail intellectuel serait donc une opposition de valeur qui déterminerait un mépris pour le travail manuel, moins digne et plus prosaïque.
Toutefois, il semble possible de mettre en question cette hiérarchisation axiologique des deux formes de travaux, dans la mesure où elle ne dit rien du mérite réciproque des deux travailleurs. Autrement dit, la hiérarchisation de valeurs se fonderait sur une l’objet des travaux et non sur les travailleurs eux-mêmes. En ce sens, l’opposition entre les deux n’aurait aucune valeur par elle-même.
[...]
Plan proposé
Partie 1
a
Le travail manuel s’oppose au travail intellectuel parce que leurs objets ne sont pas les mêmes.
b
L’apparente neutralité de la distinction par l’objet des travaux est néanmoins trompeuse, puisque la pénibilité physique du travail manuel induit nécessairement une dévalorisation de ce travail au profit du travail intellectuel.
c
En ce sens, le travail proprement humain serait un travail intellectuel, puisque le travail manuel ne serait que l’application technique des découvertes du travail intellectuel. La proposition sous-jacente à cette dévalorisation est que l’homme devrait pouvoir à terme déléguer le travail manuel à des machines ou à des outils techniques qui lui permettrait de se préserver en se réservant pour des tâches uniquement nobles et intellectuelles.
Partie 2
a
Il apparaît toutefois que l’homme purement intellectuel est celui qui s’éloigne progressivement du monde matériel et ne parvient plus à agir que par la médiation d’outils ou d’objets techniques.
b
L’absence de travail manuel fragilise donc un homme qui devient progressivement étranger au monde réel et s’enferme dans une dynamique purement abstraite.
c
Dès lors, il semble nécessaire de revaloriser le travail manuel, qui n’est pas la simple application de la force physique à des choses réelles, mais est également un apprentissage du monde tel qu’il est, à la différence d’une représentation abstraite du monde tel qu’il peut être rationalisé.
Partie 3
a
. Cette façon de revaloriser le travail manuel conduit ainsi à distinguer travail manuel et travail intellectuel comme deux occupations qui ont leurs mérites réciproques et qui ne peuvent faire l’objet d’une hiérarchisation de valeur.
b
Peut-être faudrait-il même ne pas reconduire trop fortement cette distinction, dans la mesure où le travail intellectuel et le travail manuel sont dans un constant rapport de coopération, comme dans le cas typique du physicien qui a besoin d’outils techniques pour penser les lois de la physique ou observer le monde réel, ou du maçon, qui a constamment besoin des règles et des principes de l’architecte pour réaliser une maison.
c
Dès lors, l’opposition entre les deux formes de travaux ne vaudrait rien pour elle-même, puisqu’elle conduirait à hiérarchiser ou à distinguer deux modalités d’existence des hommes qui ne sont en fait pas réellement séparables.