Annales BAC 2007 - Que gagnons-nous à travailler ?

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L'analyse du professeur


L’ambiguïté de ce sujet tient à la définition à donner au verbe gagner. Habituellement compris économiquement, il semble appeler une réponse simple : nous gagnons de l’argent, qui est l’équivalent monétaire du travail produit. Cette réponse occulterait toutefois le fait que le gain peut se comprendre différemment. Nous pouvons gagner de la reconnaissance sociale, de la satisfaction de soi, de la connaissance etc. En ce sens, la difficulté principale sera de ne pas faire une simple liste des gains possibles, puisque la dissertation se transformerait ainsi en catalogue sans problème directeur. Il convient plutôt de comprendre en quoi les différents gains entrent en concurrence, voire en rapport d’opposition. À cet égard, la définition du travail est très utile. Identifié étymologiquement au tripalium, un instrument de torture, le travail est l’activité qui consiste à exercer une habileté en vue de la production d’un résultat, ce qui n’implique pas nécessairement que tout travail est identifiable à une profession économiquement reconnue (on parle bien du travail des élèves), mais ce qui veut dire que tout travail est un exercice soumis à des règles qui ont pour finalité l’obtention d’une fin ou d’un résultat particulier. Le problème tient alors au fait que le travail relève d’abord d’une nécessité et non d’un choix. Nous travaillons pour améliorer notre existence, au sens où le travail a toujours été le moyen pour l’homme de sortir d’une condition naturelle misérable qui faisait de lui un animal fragile. Le travail a donc été une torture nécessaire, puisqu’il a été indispensable de construire les moyens d’une existence meilleure. Comme nécessité, le travail ne peut donc être conçu autrement que comme un moyen, qui ne réalise pas l’homme et ne satisfait pas à son bonheur, mais lui permet de se dégager des contingences naturelles, de satisfaire ses premiers besoins, pour accéder à une vie véritable. Néanmoins, c’est également à la faveur du travail que l’homme a développé les techniques, a appris à sociabiliser avec ses congénères, et est parvenu progressivement à une maîtrise de soi. En ce sens, il ne serait pas faux de voir le travail comme ce qui a permis à l’homme de devenir homme et de se réaliser pleinement. Comment alors expliquer ce paradoxe entre un travail aliénant par nature, et un travail libérateur par fonction ?

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

Il peut sembler tout d’abord que le travail relève d’une nécessité de la condition naturelle de l’homme. En ce sens, l’homme gagne les moyens de sa survie.

b

Se comprend alors le fait que le travail a permis à la civilisation de se développer, et d’accéder à une vie moins précaire, au point de devenir également le moyen d’une vie confortable.

c

Dès lors, le gain du travail est, de façon plus générale, la possibilité de vivre de mieux en mieux, c’est-à-dire qu’au-delà de la survie ou du confort de la vie, le travail offrira à l’homme la possibilité d’une liberté totale à l’égard de la nature et des contingence matérielles.

Partie 2

a

Toutefois, les modalités de l’organisation du travail ont rendu nécessaires la division des tâches et la naissance des inégalités entre les hommes. Il est en effet indéniable que tous n’ont pas les mêmes capacités, ou ne veulent pas travailler autant. Le gain du travail se différencie donc en fonction des hommes.

b

Cette analyse de la différence entre les gains du travail pose problème, puisqu’il devient alors évident que tous les individus ne gagneront pas la même chose, et n’auront plus nécessairement les moyens de gagner autant. L’avènement de la société capitaliste montre en effet de quelle manière des inégalités ont pu se développer entre ceux qui possédaient les moyens de production et ceux qui ne possédaient que leur force de travail.

c

Dès lors, si certains individus semblent effectivement gagner leur liberté dans ou par le travail, d’autres en paient le prix, et ne gagnent pour leur part que ce qui assure leur survie, tout en perdant leur liberté.

Partie 3

a

Cette dernière analyse semble d’autant plus dramatique que le travail de ceux qui sont aliénés dans la société capitaliste semble ne plus permettre la sociabilité, le développement des rapports humains, voire le développement de l’intelligence.

b

Comment alors rééquilibrer les rapports de travail pour qu’ils apparaissent plus justes ? Comment faire en sorte que les gains du travail deviennent plus équitables ? C’est à une telle question qu’entend répondre les critiques les plus violentes de la démocratie bourgeoise (comme celle de Marx), en proposant d’abolir la propriété privée, c’est-à-dire la possibilité de s’arroger des gains au détriment des autres.

c

Si aujourd’hui cette analyse semble dépassée, théoriquement comme pratiquement, il semble nécessaire de prendre conscience que les gains du travail ne se résument pas à une somme d’argent, et que le moyen d’une plus grande justice sociale est de faire en sorte que chacun voit ses attentes satisfaites, non pas simplement en termes d’argent, mais également de reconnaissance sociale, d’intérêt professionnel ou encore de conditions de travail. C’est à cette condition qu’à la question « que gagne-t-on à travailler ? » il deviendra possible de répondre en montrant qu’on y gagne ce qu’on investit.