L'analyse du professeur
Il peut sembler intuitivement évident que la société, comprise comme l’ensemble des individus coexistant naturellement sur un même territoire, n’a pas besoin de l’État, défini comme l’institution visant à réguler les rapports sociaux. En effet, pourquoi une telle régulation serait-elle nécessaire ? En quoi les hommes auraient-ils besoin de lois pour vivre ensemble ? Ces questions semblent se poser d’autant plus fortement que nous pensons l’homme comme naturellement sociable. Cette évidence se heurte toutefois aux comportements effectifs des individus. Si l’homme est naturellement porté à faire le bien, il peut tout aussi bien faire le mal, quand bien même il comprend assez vite que le conflit pur et simple ne peut le conduire à espérer une vie sereine.
Le problème de ce sujet sera donc de saisir en quoi la sociabilité naturelle de l’homme a une force exclusive de sa tendance à l’agressivité. Plus exactement, s’il est possible de penser que l’homme est un être rationnel, ne faut-il pas toutefois nuancer la force de cette rationalité sur son comportement, dans le sens où son discernement n’est pas infaillible et où les objets de sa motivation ne sont pas seulement rationnels. Autrement dit, la considération individuelle de l’intérêt particulier peut nuire à la conscience du devoir social, de telle sorte que l’expression de la liberté de chacun est susceptible de rendre le rapport à l’autre conflictuel. Les lois s’imposent donc comme des garde-fous impératifs pour faire respecter le jeu des libertés dans la société.
[...]
Plan proposé
Partie 1
a
Il peut tout d’abord sembler que l’homme n’a pas besoin des règles sociales. Il peut survivre par lui-même, en faisant usage de son intelligence pour se protéger des dangers naturels et construire l’espace de sa survie.
b
De façon naturelle ainsi est-il conduit à construire un contexte familial et un univers social qui sont les traductions des accords qu’ils passe avec les autres et de ses arrangements spontanés.
c
La société qui existe ainsi naturellement devient le lieu d’une éducation à la sociabilité, dans le sens de laquelle abonde d’ailleurs la raison puisqu’elle porte l’individu à comprendre que le respect d’autrui est le meilleur moyen de son existence.
Partie 2
a
Cependant, cette définition de la sociabilité naturelle paraît peut-être trop ambitieuse pour un homme dont la rationalité est limitée et dont l’éducation ne suffit pas toujours. En effet, il apparaît que l’éducation n’est pas toujours le vecteur d’une sociabilité bien comprise puisqu’elle repose sur des facteurs identitaires et culturels relatifs qui peuvent parfois conduire les individus à s’opposer entre eux
b
En outre, il n’est pas certain que la raison soit toujours suffisamment puissante pour nous guider dans l’exercice de notre sociabilité, tant elle apparaît parfois comme limitée ou entravée par le jeu des passions en nous.
c
Enfin, il n’est pas certain que nous ne parvenions toujours à la conclusion d’un nécessaire respect de l’autre puisque la considération de notre intérêt privé peut nous conduire à vouloir briser les règles de la sociabilité pour rejeter l’existence d’autrui.
Partie 3
a
Il semble, à cet égard que l’État s’impose comme le moyen de réalisation de la société. Cependant, s’il semble nécessaire de voir en l’État une institution de garantie du respect de la sociabilité naturelle,
b
il n’est pas pour autant possible de rejeter l’idéal d’une société sans État dans la mesure où la sociabilité semble bien être le produit d’une rationalité naturelle de l’homme
c
dont il est peut-être envisageable de penser qu’elle est l’horizon de progression d’un homme qui devient de plus en plus raisonnable en devenant de plus en plus homme.