L'analyse du professeur
Ce sujet porte sur la force de conviction des préjugés. Le préjugé semble s’enraciner en profondeur dans l’être humain, à ce qui est le plus intime en lui, à tel point qu’il ne sembe jamais possible d’en finir, quand bien même la fausseté ou l’imposture en serait démontré. Il y a donc un paradoxe implicite qui sert à constituer la problématique : en quoi ce qui apparaît comme un préliminaire insuffisant (le "pré" du préjugé), comme une surface, peut-il posséder une force telle qu’il peut rivaliser avec ce qui est prouvé et démontré ?
Nous définissons classiquement le préjugé comme un "jugement avant", c’est-à-dire un jugement rapide qui est en défaut par rapport au vrai jugement, un jugement qui se situe avant une analyse approfondie et auquel il manque une preuve et une démonstration solides. Cette définition impliquerait donc qu’il serait simple d’en finir avec les préjugés puisqu’il suffirait de leur substituer le pouvoir du vrai. Pourtant, il arrive bien souvent qu’une argumentation rationnelle ne vienne pas à bout de préjugés qui apparaissent alors indéracinables. Comment alors expliquer que le préjugé s’enracine aussi profondément dans l’individu et parvienne à le convaincre à tel point qu’il a bien souvent plus de force que des idées connues depuis longtemps ?
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Plan proposé
Partie 1
a
Nous pouvons d’abord constater que le préjugé a une force de conviction qui se traduit par exemple dans la façon dont certains préjugés se retrouvent dans l’histoire, à travers les époques ou dans des contextes souvent différents.
b
Le préjugé a donc une forme qui s’adapte facilement au raisonnement et s’enracine aisément dans l’esprit. Il semble annihiler le jugement personnel en véhiculant des idées reçues qui correspondent à une culture dans laquelle baigne l’esprit.
c
Il est en outre possible de supposer que la force de conviction du préjugé ne peut s’expliquer que parce que l’esprit l’acquiert facilement. Le préjugé rassure l’esprit par sa simplicité et sa naturalité : il semble avoir toujours fait partie de l’esprit qui se plait à l’entretenir.
Partie 2
a
Le préjugé ne peut toutefois se résumer à ce que nous venons d’en dire. Pourquoi sinon résisterait-il aux analyses rationnelles ? La force du préjugé semble excéder l’espace de la raison.
b
Ce qui fait en effet la force du préjugé est moins son caractère rationnel (puisque sa force d’analyse manque) que sa capacité à déterminer la volonté à le suivre, c’est-à-dire sa force de séduction, et sa capacité à paralyser la raison elle-même.
c
Dès lors, il est possible de montrer que certains préjugés sont indéracinables car ils reposent sur les passions de l’homme et sur ses caractéristiques irrationnelles. En finir avec les préjugés ne serait alors possible que s’il était possible d’en finir avec les passions.
Partie 3
a
En ce sens, les préjugés ne sont jamais fondamentalement indéracinables, si l’on prend conscience des peurs dans lesquelles ils sont ancrés, et de la façon dont l’esprit critique peut tenter d’en venir à bout.
b
Chercher à en finir avec le préjugé est donc un travail au long cours qui requiert d’en mettre en lumière la fragilité rationnelle. Il semble donc nécessaire de redoubler d’effort d’analyse face au préjugés, pour développer un discours rationnel qui argumente et renforce les idées face aux passions.
c
Toutefois, en finir avec le préjugé exige également de travailler à la surface des choses et sur leurs dimensions passionnelles. Réagir aux préjugés implique ainsi de se placer sur le même terrain que lui et d’user du pouvoir de séduction d’autres préjugés pour en venir à bout. En ce sens, de la raison à l’instrumentalisation du préjugé contre lui-même, nul préjugé ne semble définitif.