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Dans les Lettres Persanes, Montesquieu manie l’ironie avec talent pour montrer à quel point le regard d’un individu baigné d’une culture différente de la culture occidentale peut être surpris par les modes de vie des parisiens, empesés à ses yeux par des conventions et des codes inutiles voire vains. Au-delà de l’amusement suscité par la lecture des différentes lettres échangées par Rica et Iben, l’ouvrage ne manque pas de poser la question du relativisme culturel, et résonne aujourd’hui comme prophétique, à l’heure où les différences de pratiques culturelles interrogent profondément nos valeurs et nos façons de penser. La question « Une culture peut-elle être porteuse de valeurs universelles ? » se pose donc avec acuité pour toute société, dans la mesure où la culture fédère les individus, bien plus profondément d’ailleurs que les règles juridiques ou les modes passagères. Cette question a ceci de problématique qu’il semble bien que les valeurs et les codes culturels font l’objet de convictions qui dépassent largement l’assentiment passager. Il en va en effet, dans une culture, d’un ensemble de pratiques et de valeurs construites dans l’histoire et adoptées par des groupes de personnes, cet ensemble déterminant une identité à laquelle adhère profondément chacun. Dès lors, par sa culture un individu donne un sens à son existence, à l’exclusion ou tout au moins à la différence des autres cultures qu’il pourrait choisir. Il a ainsi le sentiment que son mode d’existence est celui qui lui convient le mieux, ce qui consiste implicitement pour lui à accorder une valeur supérieure à son choix, sans toutefois nécessairement le conduire à renier le choix des autres. Un paradoxe apparaît ainsi. Si un individu est conduit à faire un tel choix, c’est qu’il accorde une universalité à son adhésion, au sens où tout être humain y adhérerait de la sorte s’il en comprenait exactement les enjeux. Mais cette universalité postulée reste accompagnée de réserves, puisque non seulement plusieurs cultures existent dans le temps mais surtout toute personne raisonnable ne peut prétendre absolument que ses propres valeurs devraient s’imposer aux autres. Dès lors, si une culture est réellement porteuse de valeurs universelles, elle est forcément exclusive de valeurs différentes, ce qui implique que toutes les cultures sont composées des mêmes valeurs. Cela revient-il à penser que toutes les cultures sont les mêmes, ou au contraire que certaines cultures ne sont pas vraiment des cultures ? À l’inverse, si les cultures ne sont pas porteuses de valeurs universelles, comment expliquer qu’elles déterminent de tels processus d’identification personnelle ? Nous nous attacherons à montrer que la culture se construit par une adhésion qui n’implique pas nécessairement d’universalité mais un simple choix axiologique dont la portée se limite à ceux qui optent pour lui. Néanmoins, il nous faudra montrer les difficultés d’un tel point de vue, puisque l’identité qui se construit par le choix des pratiques culturelles se veut universalisable, c’est-à-dire dépasse la subjectivité de celui qui y adhère pour créer une identité commune à un groupe humain. Nous tenterons alors, en dernière instance, de montrer que ce processus d’universalisation interne à la construction culturelle, sans être par essence exclusif de tout autre système culturel, définit cependant des valeurs et des pratiques composant particulièrement chacune des cultures, et condamne ainsi toute portée culturelle universelle.
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