Annales BAC 2006 - N’avons-nous de devoirs qu’envers autrui ?

Partager sur Facebook Partager sur Twitter


L'analyse du professeur


Le devoir désigne l’obligation morale qui s’impose à un individu lorsqu’il agit. Cette obligation morale l’assigne à un devoir-être, c’est-à-dire l’enjoint à agir selon une fin qui ne dépend pas de son bon vouloir mais s’impose à sa volonté. Répondre à la question de savoir si nous n’avons de devoirs qu’envers autrui revient alors à poser la question générale de savoir comment se définit le devoir, et à la question plus particulière de comprendre quelle est la place d’autrui dans la définition du devoir. Or il peut semble de prime abord absurde de n’envisager le devoir que comme un rapport à autrui. En effet, on ne voit pas ce qui justifierait que l’obligation morale se borne à la personne d’autrui, qui n’est qu’un élément parmi d’autres dans le monde que nous avons à vivre. Cette évidence se heurte toutefois à une objection majeure, si l’on tâche de définir un peu plus précisément la façon dont nous avons conscience du devoir. Si devoir il y a, il est en effet évident que la règle morale qui s’impose à nous nous oblige vis-à-vis de ce qui n’est pas nous (c’est d’ailleurs le sens littéral de ce que l’on « doit »). Cette règle a donc pour propriété de limiter l’agir d’un individu en considération du respect qu’il doit à autre chose que lui-même. En ce sens, le devoir se justifie parce qu’il entend limite l’intérêt individuel pour protéger une chose aussi digne de valeur que cet intérêt. Il faut donc que la chose soit au moins aussi respectable que l’individu à qui s’impose le devoir. Où se trouve donc justifié le fait que le devoir n’est que devoir envers autrui, puisque seul autrui a une valeur comparable à la mienne. Le problème qui se pose alors est, plus fondamentalement, celui de savoir dans quelle mesure cette conception du devoir est authentiquement morale, puisqu’elle semble en fait purement utilitariste, en ne privilégiant comme critère de devoir que la valeur de chaque individu.

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

Le devoir est une règle morale qui s’impose à un individu lorsqu’il agit, et a pour but de limiter sa propre action à l’égard d’une chose conçue comme extérieure à lui.

b

En ce sens, le devoir s’oppose au droit, et c’est l’équilibre des droits et des devoirs qui permet à des individus de coexister.

Cette définition du devoir ne semble pas alors exclure la possibilité de devoir envers autre chose qu’une autre personne, puisque rien ne dit a priori que les choses ne sont pas autant digne de respect que les hommes.

Partie 2

a

Cette manière de concevoir le devoir appelle donc une réflexion sur ce qui fonde la valeur des choses pour un esprit humain.

b

Poser ainsi la question renvoie alors à la manière dont se construisent les jugements de valeur humains. Or, la raison humaine a pour propriété d’évaluer les choses en fonction de normes qui sont directement déduite de la conscience qu’il a de lui-même.

c

En ce sens, si les choses ne sont pas libres comme l’homme, et s’il est possible de dire que seul un homme peut avoir la même valeur qu’un autre homme, il semble nécessaire de conclure que nous n’avons de devoir qu’envers nous-mêmes (en tant que membre de l’humanité) ou envers autrui.

Partie 3

a

Toutefois, cette manière anthropocentrique de concevoir le devoir est passablement problématique, dans la mesure où elle postule pour vrai ce qui n’est qu’une déficience ou une limite de la raison humaine. Autrement dit, ce n’est pas parce que nous ne sommes pas capables de nous mettre à la place d’un arbre ou d’un animal qu’ils ne sont pas dignes de respect.

b

Dès lors, il semble nécessaire de reconnaître que nous avons par principe des devoirs envers les choses, et pas seulement envers autrui ou nous-mêmes. Le problème est toutefois que nous ne savons quels devoirs précis nous avons alors envers les choses.

c

Il semble alors nécessaire de substituer à l’absence de connaissance précise des devoirs que nous avons envers les autres choses un principe de précaution. Autrement dit, nous devons agir prudemment pour ne pas mettre en péril l’existence de choses que nous sommes incapables d’évaluer, ce qui nous oblige à agir de façon responsable et à affirmer un devoir envers toute chose.