Annales BAC 2006 - L’intérêt de l’histoire, est-ce d’abord de lutter contre l’oubli ?

Partager sur Facebook Partager sur Twitter


L'analyse du professeur


L’histoire est à la fois le nom qui sert à désigner la suite chronologique des évènements dans le temps, et la discipline qui analyse cette suite chronologique pour en fournir des interprétations et en analyser le contenu. Ce sujet porte évidemment sur la discipline, et sur la capacité qu’elle aurait, en analysant la logique évènementielle, à vaincre l’oubli naturel. L’homme est en effet un être marqué par la finitude, c’est-à-dire par les limites physiques et spirituelles de son être, au point qu’il est à l’évidence incapables de se souvenir de tout, non seulement des évènements que ses aïeux ont pu vivre, mais également des évènements qu’il a pu, par lui-même, vivre. L’intérêt premier de l’histoire serait donc d’aider la collection des souvenirs, c’est-à-dire de permettre aux hommes de pallier leurs insuffisances naturelles. Toutefois, ce travail de l’historien est lui-même problématique : comment parvenir à faire mémoire étant donnée la richesse des évènements et leur complexité ? Comment opérer un tri entre les évènements signifiants ? Le problème que pose ainsi ce sujet est de savoir dans quelle mesure le travail d’analyse du cours des évènements n’implique pas une réduction de la signification, voire une trahison de la mémoire réelle, au profit d’interprétations subjectives et contestables. L’histoire n’aiderait pas, en ce sens, à la mémoire du passé, mais condamnerait cette mémoire en fermant le questionnement sur le sens des évènements, au profit d’un sens logique et unilatéral.

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

Le travail de l’historien est d’analyser les évènements passés de façon objective, c’est-à-dire à justifiant par des méthodes impartiales une interprétation étayée sur des faits.

b

L’histoire lutterait en ce sens contre l’oubli individuel ou collectif en offrant aux hommes des synthèses de la mémoire de ce qu’ils ont vécu, synthèses qui ont pour but de réunir les évènements autour d’une logique essentielle qui est dépouillée des détails inutiles.

c

L’intérêt de l’histoire serait ainsi de lutter contre l’oubli non seulement en faisant collection du passé, mais en faisant œuvre scientifique, c’est-à-dire à évaluer rationnellement le poids des évènements pour mettre fin aux controverses interprétatives.

Partie 2

a

Il semble toutefois que cette mission de l’histoire est particulièrement difficile à assurer. Rien ne garantit en effet que le sens de l’analyse historique soit étayé sur un nombre assez grand ou assez représentatif de sources. L’historien peut être victime de partialité, quand bien même il ne le voudrait pas.

b

Par ailleurs, en mettant fin aux controverses et en justifiant rationnellement une certaine logique de consécution des évènements, l’historien impose un sens qui n’accorde pas nécessairement tous les hommes. Il semble donc que l’histoire perd ainsi la complexité ou la richesse de l’histoire réelle des évènements.

c

Enfin, le fait que le travail de l’historien se centre sur les facteurs essentiels de consécution des évènements le conduit à mettre de côté l’ensemble des évènements qui n’ont pas joué un rôle causal moteur. L’historien perd en ce sens l’importance subjective de certains évènements.

Partie 3

a

Au regard de la précédente analyse, l’histoire semble donc être un travail de réduction du vécu et de tri qui sert moins l’oubli qu’il ne le favorise. Avec l’histoire, l’homme perd son vécu tout en gagnant paradoxalement une intelligibilité abstraite du cours chronologique des évènements.

b

L’intérêt de l’histoire serait alors de servir aux hommes pour penser leur présent, et pour comprendre leurs situations particulières. Peu importe l’objectivité et l’honnêteté parfaite face au passé : l’histoire aurait plutôt pour mission de dégager du sens au prix d’un vrai méticuleux.

c

Entre devoir de mémoire et droit à l’oubli, l’histoire serait donc une discipline au service des hommes du présent tels qu’ils tentent de comprendre leur futur, et qu’il peuvent s’appuyer sur l’expérience passée pour essayer de structurer leur action à venir, et de faire en sorte d’agir le mieux et le plus logiquement possible.