Annales BAC 2006 - L’expérience peut-elle démontrer quelque chose ?

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L'analyse du professeur


Le recours à l’expérience a la valeur d’une preuve, tant dans le discours d’un parent face à son enfant que dans celui du scientifique qui cherche à prouver ce qu’il avance en manifestant la pertinence factuelle de sa théorie. L’expérience semblerait donc par elle-même porteuse d’une signification essentielle à la construction du vrai. Toutefois, il semble également que le recours à l’expérience se heurte rapidement à ses propres limites. Les sens peuvent nous induire en erreur, et l’expérience d’une chose peut ne correspondre qu’à une vision particulière de cette chose, ou ne conduire qu’à une interprétation subjective ou contextuelle. L’expérience passe ainsi pour le lieu de la confusion, et joue peut-être plus le rôle d’obstacle que de catalyseur de la vérité. Le problème de ce sujet tient donc au statut de l’expérience dans le processus de construction de la connaissance. Elle est à l’évidence indispensable, ne serait-ce que parce qu’elle donne accès au choses et qu’elle est la fin de toute connaissance. Elle ne semble toutefois pas suffire par elle-même à une démonstration du vrai, dans la mesure où l’interprétation de l’expérience reste relative au sujet connaissant. Il semble donc nécessaire de comprendre jusqu’à quel point l’expérience contient par elle-même les règles de son interprétation, ou si elle n’est qu’un objet neutre qui peut servir de support à toute forme d’interprétation.

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

L’expérience est le point de départ de toute action et de toute questionnement théorique : elle est la condition de possibilité de toute conscience et s’impose en ce sens comme l’étape indispensable de tout construction démonstrative.

b

En outre, elle est le principe du vécu, c’est-à-dire que c’est par le processus expérimental que se construisent les souvenirs et que se forgent les certitudes individuelles. Chacun agit et pense en fonction de ce qu’il a vécu.

Enfin, il apparaît que l’expérience permet d’arbitrer entre les hommes. Requise au principe de tout discours et comme moyen de preuve, elle revêt la force de la démonstration parce que le recours à l’exemple et la comparaison des expérience sont porteurs d’une signification évidente que paraissent partager tous les hommes.

Partie 3

a

Nous pouvons toutefois nous interroger sur cette évidence. Classiquement convoquée comme argument, sur le principe qu’il suffit de faire l’expérience d’une chose pour en être convaincu, l’évidence expérimentale revient à affirmer la prégnance d’une interprétation immédiate que ferait spontanément tout individu.

b

Toutefois, est-il si évident que c’est l’expérience elle-même qui contient par elle-même sa propre démonstration ? Le vécu suppose par principe l’accumulation d’un certain nombre d’expériences qui conditionnent le regard de chacun, qui l’éduquent. Dès lors, peut-être l’homme ne voit-il dans l’expérience que ce qu’il s’attend à y voir, c’est-à-dire ce qu’il a été habitué à y voir.

c

L’expérience ne démontrerait ainsi rien d’autre que la force de l’habitude et des coutumes, mais elle serait fondamentalement contre expérimentale, au sens où elle serait contraire à une analyse rationnelle et démontrée logiquement.

Partie 3

a

Si un tel reproche est fondé, cela n’invalide pas pourtant toute expérience possible comme moyen de démonstration. Il semble en effet que celui qui veut mettre en question l’expérience ait quand même besoin du recours à une analyse factuelle, à une preuve expérimentale.

b

Dès lors, il conviendrait de distinguer l’expérience commune des faits et l’expérience scientifique, en ayant pour finalité de montrer que seule l’expérience scientifique ou l’expérimentation pourrait être au fondement d’une démonstration rigoureuse.

c

L’expérience ne pourrait démontrer quelque chose qu’en tant qu’elle ferait le fruit d’une analyse rigoureuse et fondée, c’est-à-dire en étant soumise à un regard critique et informé qui fait le tri entre les interprétations possibles de l’expérience immédiate des choses.