Annales BAC 2005 - Raisonne-t-on bien quand on veut avoir raison à tout prix ?

Partager sur Facebook Partager sur Twitter


L'analyse du professeur


La raison est la faculté humaine qui permet de construire des raisonnements, c’est-à-dire de mettre en forme une argumentation logique destinée à prouver une affirmation, à démontrer une thèse. En ce sens, la raison s’identifie à une capacité argumentative qui correspond à la façon dont l’homme analyse son monde, le comprend et cherche à en traduire la logique. Opposée aux passions, qui évaluent subjectivement et qui traduisent la façon dont un homme ressent son monde et le vit émotionnellement, la raison se veut froide et distante, c’est-à-dire critique et rigoureuse. Le fait de chercher à avoir raison exprimerait ainsi paradoxalement l’intrusion d’une dynamique passionnelle dans l’espace de sérénité de la raison. Comment comprendre l’intrusion d’une telle emprise des passions au cœur du fonctionnement d’une raison qui se veut pourtant analytique et sereine ? Le problème posé par ce sujet est d’appeler de prime abord une opposition simple entre raison et passion, de façon à exclure de la démonstrativité de la raison, la dynamique émotionnelle des passions. Toutefois, la façon dont il est formulé indique de façon paradoxale qu’il pourrait y avoir des raisons à l’emportement de la raison, c’est-à-dire que le souhait d’avoir raison à tout prix pourrait se justifier par la nature même des raisons de la raison. La connaissance du vrai, ou le souhait de l’atteindre peut-il être ainsi à l’origine d’une passion rationnelle, au point de mettre en question le fonctionnement normal de la raison, de la déstabiliser en ruinant les propriétés les plus essentielles du raisonnement ?

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

Il semble tout d’abord que la raison se définisse comme une méthode d’argumentation qui met à distance toutes les passions pour produire une analyse objective et impartiale de ce qui est.

b

Dès lors, la raison ne cherche pas à avoir raison, puisqu’elle a de fait raison, grâce aux méthodes dont elle use, et à une capacité à convaincre qui ne doit rien aux passions mais se fonde uniquement sur le poids des arguments.

c

En ce sens, il serait absurde de dire que la raison entre en contradiction avec elle-même, puisqu’elle n’a pas besoin de chercher à avoir raison à tout prix mais est forte et convaincante par elle-même.

Partie 2

a

Il apparaît toutefois que la raison peine parfois à convaincre lorsqu’elle ne possède pas toute la connaissance requise et pose des hypothèses qu’elle ne peut totalement fonder.

b

En outre, il est également évident que la capacité à avoir raison requiert que les arguments de la raison soient accessibles à ceux auxquels elle s’adresse. Les arguments ont donc beau être pertinents, mais s’ils ne sont pas compris, ils ne seront pas convaincants.

c

Dès lors, la raison peut très bien être conduite à chercher à avoir raison à tout prix, c’est-à-dire à insister plus particulièrement sur certains aspects les plus convaincants ou les plus efficaces de son argumentation. Il ne s’agit en ce sens pas tant d’une trahison de son propos que d’une modification de son cours et de sa valeur afin d’obtenir la fin de conviction pour laquelle elle construit son argumentaire initial.

Partie 3

a

Cette dernière possibilité ouvre d’ailleurs un espace de questionnement au sujet de la véracité ou de la force de la raison. Si la raison requiert un partage de la rationalité pour convaincre, il faut supposer qu’une telle rationalité est universellement partagée par tous les hommes qui délibèrent. La raison n’aurait pas besoin de chercher à avoir raison si tel était le cas.

b

Ne faudrait-il pas alors, devant son incapacité à justifier totalement ses raisonnements, ou devant la difficulté à convaincre pleinement, penser que la raison n’est qu’une méthode de justification d’interprétations seulement probables et non définitives ? Cette remise en question du pouvoir fondamental de la raison obligerait alors à la concevoir comme un simple outil aux services d’interprétations, et non comme un pouvoir d’atteindre réellement le vrai.

c

La raison deviendrait un outil partisan des passions qui accroît la fragilité de ses raisonnements à mesure qu’elle cherche à convaincre, c’est-à-dire à mesure qu’elle veut séduire pour cacher la faiblesse de ses arguments fondamentaux.