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Lorsque la centrale nucléaire de Tchernobyl a explosé, le monde a comme réalisé subitement que l’énergie nucléaire, dans ce qu’elle pouvait a priori avoir de moins dangereux puisque son utilisation était au service du confort des hommes, était pourtant mortifère. S’est alors engagé symboliquement à partir de cette date, une réflexion publique profonde sur les enjeux de la technique, habituellement considérée comme l’indispensable auxiliaire du développement des sociétés humaines. La mythologie grecque ne contait-elle pas déjà les vertus du vol du feu par Prométhée ? Le feu était en effet, outre le moyen qui permettrait aux hommes de se réunir et de construire une sociabilité, le moyen de forger des armes et des outils, le moyen d’assurer la survie et le confort d’une existence humaine naturellement fragile, en comparaison notamment des atouts des autres espèces animales. À la question « qu’attendons-nous de la technique ? », il semblerait donc normal de répondre que nous en attendons tout, puisque nous en en dépendons presque essentiellement et qu’il serait absurde de nier une telle dépendance. Néanmoins, si la technique peut être vue comme une application concrète des découvertes scientifiques qui vise à la construction des moyens du développement des sociétés humaines, il apparaît que la technique n’est qu’un moyen au service de l’intelligence humaine et qu’elle ne pose pas par elle-même de fins, que son développement n’induit pas des buts particuliers. En ce sens, la question des attentes que peut susciter la technique dépend de la façon de la concevoir, c’est-à-dire des finalités qu’on lui attribue en fonction de l’idée que l’homme peut s’en faire. Le problème que pose ce sujet est donc celui de savoir jusqu’à quel point la technique, en tant que simple moyen au service de l’intelligence, se substitue aux insuffisances naturelles des hommes. Autrement dit, ne faut-il pas se dépendre du mythe d’une technique toute puissante qui ne pourra jamais fournir à l’homme que des moyens d’atteindre des fins dont l’exigence et la portée ne dépend pas de la technique elle-même mais de l’intelligence qui les pose ? Attendre tout de la technique ne revient-il pas à croire que la technique va guider par elle-même le destin d’une humanité alors qu’elle n’est qu’un instrument qui peut causer autant de dégâts qu’elle peut offrir de solutions ? Nous nous efforcerons tout d’abord de montrer que le développement de la technique, en tant qu’application des découvertes scientifiques, permet d’accroître le pouvoir de l’homme sur son monde et sur lui-même, de telle sorte que la technique s’est progressivement imposée comme l’auxiliaire indispensable de résolution de l’ensemble des problèmes que pouvait rencontrer l’humanité dans son mode d’existence. Cette analyse nous engagera alors à constater que l’omniprésence de la technique et sa puissance ont progressivement conditionné l’homme à penser que la technique n’était pas simplement un moyen à son service mais devenait une fin en soi, à même de proposer à l’homme un nouveau destin et de faire de lui un être qu’il n’avait jamais imaginé pouvoir devenir. Cette confiance s’est néanmoins rapidement révélée excessive, dans la mesure où ont été expérimentés les multiples risques liés à un développement technique sans contrôle. Nous tâcherons donc, en dernière instance, de montrer que les attentes suscitées par la technique, pour légitimes qu’elles peuvent apparaître, n’en sont pas moins dangereuses, puisqu’elles dispensent souvent l’homme d’une réflexion approfondie sur le sens à donner aux modalités de son développement.
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