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De la révolution permanente à la liquidation de Mai 68, les phrases qui ponctuent les discours politiques semblent souvent ancrées dans une interprétation ou une réinterprétation des évènements du passé. Pourtant, beaucoup de ces discours sont également marqués par une volonté de rupture, de nouveauté, de changement, qui semblent ne pas borner l’horizon de l’organisation des règles de la cité à n’être qu’une reproduction des enseignements de l’histoire. L’action politique semble donc caractérisée par un rapport paradoxal à l’histoire. D’une part, en tant que manifestation d’une volonté d’organisation de la cité, l’action politique semble nécessairement guidée par une certaine lecture et interprétation des évènements passés, puisqu’elle manifeste justement la volonté de répondre à des insatisfactions ou plus simplement des souhaits ancrés dans le vécu commun. Mais d’autre part, cette action politique ne se résume jamais et s’oppose même souvent à l’héritage du passé, ou à sa connaissance, puisque celui ou ceux qui organisent ici et maintenant la coexistence sociale sont bien fréquemment des hommes qui ne connaissent pas le passé ou le dépassent pour inventer des solutions nouvelles. Quelle place faut-il, à cet égard accorder au passé dans la dynamique d’organisation des sociétés ? La connaissance du passé est-elle, en somme, un guide pour celui qui cherche à établir les règles des sociétés humaines, ou peut-elle au contraire devenir aliénante au point de borner l’avenir à une répétition du passé. Nous nous attacherons tout d’abord à montrer qu’aucune action politique cohérente ne peut faire table rase du passé sans prendre le risque de méprendre ce qui fonde les sociétés qu’elle entend organiser. Ce constat nous conduira toutefois à remarquer que la complexité d’une connaissance de l’histoire se retourne bien souvent contre celui qui entendrait fonder sa politique sur elle, à tel point qu’il peut apparaître dangereux de s’y fier comme à un guide. Dès lors, nous essaierons de montrer que si l’action politique ne peut se fier à une intelligence du passé, elle doit néanmoins développer une connaissance de la mémoire des sociétés afin de prendre conscience de ce qui, dans le vécu de l’histoire, est indispensable pour adapter les règles à des hommes particuliers.
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