Annales BAC 2005 - L’action politique doit-elle être guidée par la connaissance de l’histoire ?

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L'analyse du professeur


De la révolution permanente à la liquidation de Mai 68, les phrases qui ponctuent les discours politiques semblent souvent ancrées dans une interprétation ou une réinterprétation des évènements du passé. Pourtant, beaucoup de ces discours sont également marqués par une volonté de rupture, de nouveauté, de changement, qui semblent ne pas borner l’horizon de l’organisation des règles de la cité à n’être qu’une reproduction des enseignements de l’histoire. L’action politique semble donc caractérisée par un rapport paradoxal à l’histoire. D’une part, en tant que manifestation d’une volonté d’organisation de la cité, l’action politique semble nécessairement guidée par une certaine lecture et interprétation des évènements passés, puisqu’elle manifeste justement la volonté de répondre à des insatisfactions ou plus simplement des souhaits ancrés dans le vécu commun. Mais d’autre part, cette action politique ne se résume jamais et s’oppose même souvent à l’héritage du passé, ou à sa connaissance, puisque celui ou ceux qui organisent ici et maintenant la coexistence sociale sont bien fréquemment des hommes qui ne connaissent pas le passé ou le dépassent pour inventer des solutions nouvelles. Quelle place faut-il, à cet égard accorder au passé dans la dynamique d’organisation des sociétés ? La connaissance du passé est-elle, en somme, un guide pour celui qui cherche à établir les règles des sociétés humaines, ou peut-elle au contraire devenir aliénante au point de borner l’avenir à une répétition du passé. Nous nous attacherons tout d’abord à montrer qu’aucune action politique cohérente ne peut faire table rase du passé sans prendre le risque de méprendre ce qui fonde les sociétés qu’elle entend organiser. Ce constat nous conduira toutefois à remarquer que la complexité d’une connaissance de l’histoire se retourne bien souvent contre celui qui entendrait fonder sa politique sur elle, à tel point qu’il peut apparaître dangereux de s’y fier comme à un guide. Dès lors, nous essaierons de montrer que si l’action politique ne peut se fier à une intelligence du passé, elle doit néanmoins développer une connaissance de la mémoire des sociétés afin de prendre conscience de ce qui, dans le vécu de l’histoire, est indispensable pour adapter les règles à des hommes particuliers.

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

La connaissance de l’histoire paraît indispensable à toute volonté politique, dans la mesure où l’intelligence des rapports de société du présent dépend de la logique des évènements passés, et de la façon dont ils ont conduit à structurer les actions politiques du passé.

b

En outre, au-delà de l’intelligence des règles passées, l’histoire enseigne à l’acteur politique ce que sont les hommes et ce qu’ils veulent, c’est-à-dire que la compréhension de l’histoire apprend à celui qui veut agir maintenant quelles sont les caractéristiques plus particulières de la réalité sociale sur laquelle il agit.

c

Enfin, l’histoire apparaît comme un guide indispensable puisqu’elle offre une connaissance profonde des modèles de civilisation et permet à celui qui veut agir de s’inspirer des choix qui ont pu être faits par le passé, dans des contextes analogues à celui qu’il connaît.

Partie 2

a

Cependant, la connaissance de l’histoire peut être trompeuse. Tout d’abord, en raison même de la difficulté à l’établir, puisque les interprétations du passé, aussi richement informées soient-elles, sont difficiles à reconstituer.

b

En outre, l’enseignement du passé est également problématique puisqu’il conduit à faire des analogies qui sont souvent des rapprochement trop rapides entre des contextes passés et des contextes présents.

c

Enfin, une telle connaissance implique de borner l’espace de l’action politique aux solutions que les autres, qui ont précédé, ont pu trouver, sans égard aux nouvelles donnes des réalités présentes.

Partie 3

a

Dès lors, les enseignements de l’historien ne peuvent simplement être des guides de l’action politique. S’il y a un devoir de l’action politique à l’égard de l’histoire, cela ne peut être qu’en prenant conscience de la façon dont la mémoire de l’histoire structure les mentalités présentes.

b

En ce sens, la connaissance de l’histoire n’est pas tant une analyse scrupuleuse de l’héritage du passé qui tente d’en établir la vérité qu’une connaissance de la façon dont ce passé est encore présent dans les attentes du présent,

c

ce qui engage moins l’action politique à être guidée par le passé qu’à en guider la mémoire en inventant les règles de son dépassement.